Les longues escapades de l’été démarrent fréquemment au cœur des embouteillages. Dans ces moments, l’application de navigation Waze suggère aux conducteurs des trajets de substitution afin d’éviter les ralentissements. Antoine Courmont, expert en données et urbanisme, explicite le mécanisme derrière l’algorithme utilisé par ce service pour orienter les usagers sur des itinéraires alternatifs.
Imaginez un week-end de juillet, le départ en vacances s’organise et les routes se remplissent rapidement, avec des bouchons interminables. Beaucoup d’automobilistes gardent les yeux fixés sur leur application Waze, espérant voir la situation se désengorger. Antoine Courmont, maître de conférences à l’université Gustave-Eiffel et expert des liens entre urbanisme et données numériques, livre à 42mag.fr des explications sur le fonctionnement interne de l’algorithme de Waze, sa manière de rediriger les usagers, ainsi que les répercussions que cela peut avoir sur le quotidien des petites communes.
Waze est une application de navigation basée principalement sur le partage de données en temps réel fournies par ses utilisateurs. Antoine Courmont rappelle que “la puissance de Waze réside dans son nombre d’utilisateurs : entre 15 et 20 millions en France. Étant donné qu’il y a environ 40 millions d’automobilistes en France, cela signifie qu’environ une personne sur deux utilise l’application.” Ce volume conséquent de données rend Waze “très fiable pour estimer les durées de trajets, puisqu’elles reposent à la fois sur des relevés en direct et sur un historique des déplacements des conducteurs.”
Lorsque des ralentissements sont détectés, Waze propose alors des itinéraires alternatifs aux automobilistes. Mais la question se pose : est-ce que tous les conducteurs situés au même endroit reçoivent la même suggestion de déviation, ou l’algorithme sélectionne-t-il différents parcours pour éviter de surcharger certains secteurs ? “Il est possible que Waze ne dirige pas tous les utilisateurs sur la même route afin d’éviter la formation de bouchons ailleurs”, imagine le chercheur. Toutefois, malgré plusieurs demandes, Waze n’a pas souhaité fournir de réponse sur ce point précis.
Conséquences de Waze sur les petites communes
Ces itinéraires alternatifs créent souvent un effet massif sur les routes secondaires proches des autoroutes. Un afflux soudain de voitures emprunte alors des axes communaux ou départementaux, peu prévus pour un tel trafic. “Cela engendre des nuisances pour les habitants, des problèmes de sécurité routière”, signale Antoine Courmont, “mais également un impact sur l’entretien des voiries, puisque beaucoup de véhicules passent sur des routes dont le revêtement n’est pas adapté à un trafic intense.”
Les élus locaux des communes affectées se mobilisent face à ces difficultés. De leur côté, les responsables de Waze invoquent “la neutralité de l’algorithme”, qui se limite à suggérer une route ouverte aux automobilistes. Des solutions existent toutefois, telles que “limiter la vitesse grâce à l’installation de ralentisseurs, réguler le trafic par des feux qui pénalisent certains flux ou instaurer des sens uniques.” Cependant, ces aménagements ne sont pas parfaits et peuvent simplement déplacer le problème vers les villages voisins.
Un décret finalement invalidé par le Conseil d’État
Dans l’optique de réduire ces nuisances, un décret a été promulgué en août 2022. Pour Antoine Courmont, cette réglementation cible clairement des applications comme Waze : “elle impose aux calculateurs d’itinéraires de privilégier les routes principales lorsque le gain de temps sur un chemin alternatif est inférieur à 10%.” Pourtant, ce décret a été annulé un an plus tard par le Conseil d’État, au motif que toute mesure susceptible d’avoir des conséquences environnementales doit être précédée d’une consultation publique.
Ce contexte pourrait donner matière à repenser notre manière de partir en vacances. “Il est possible de voyager autrement, en privilégiant la découverte, l’inattendu, et en limitant les dépenses, notamment en évitant l’autoroute. Peut-être que les congés pourraient être l’occasion de ne pas chercher l’efficacité à tout prix,” conclut l’universitaire.