Samedi dernier, Catherine Vautrin a exposé les orientations envisagées par le gouvernement concernant le budget de la santé pour l’année 2026. La ministre chargée de la Santé a exprimé son souhait que les sociétés assument à leur tour la rémunération des absences liées aux arrêts maladie, et ce, durant un délai complémentaire de carence s’étendant du quatrième jusqu’au septième jour.
Une proposition choc secoue le paysage social, provoquant la colère tant des syndicats que des employeurs. Dix jours après que le gouvernement a dévoilé ses grandes lignes visant à réaliser 44 milliards d’euros d’économies dans le budget de 2026, Catherine Vautrin, ministre de la Santé, a détaillé, dans un entretien accordé au Monde le samedi 26 juillet, ses idées pour maîtriser les dépenses liées à la santé. Elle s’est particulièrement attardée sur les arrêts-maladie, que l’exécutif considère comme une source de « dérive », avec un coût annuel s’élevant à 17 milliards d’euros et une tendance à la hausse.
Elle a ainsi suggéré la possibilité d’allonger à deux fois la durée du délai de carence au début d’un arrêt de travail, période pendant laquelle l’Assurance-maladie ne verse aucune indemnité aux salariés. « L’éventualité d’un transfert de la prise en charge des arrêts maladie jusqu’au septième jour vers l’employeur est en cours d’étude et fera l’objet de discussions avec les partenaires sociaux », a indiqué Catherine Vautrin.
« Dans cette hypothèse, ce seraient les entreprises qui prendraient en charge cette période supplémentaire de carence, allant du quatrième au septième jour. »
Catherine Vautrin, ministre de la Santédans le journal « Le Monde »
Concrètement, en cas de maladie actuellement, la première indemnisation versée par l’Assurance-maladie ne commence qu’à partir du quatrième jour, l’employeur pouvant compenser cette absence par certaines mesures selon les cas. Avec cette proposition, l’indemnisation publique pourrait commencer uniquement au septième jour. Entre le quatrième et le sixième jour, la responsabilité d’indemniser reviendrait alors aux entreprises, bien que les modalités précises n’aient pas encore été définies par la ministre. Dans les documents transmis aux partenaires sociaux, qui devraient servir de base aux discussions, le gouvernement insiste sur une volonté de renforcer la « responsabilisation des salariés ».
Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT, interrogé par 42mag.fr, s’oppose fermement à cette idée : « Les arrêts de travail ne seront plus indemnisés pour beaucoup de salariés, notamment ceux des très petites entreprises, les chômeurs et les travailleurs précaires. » Il ajoute que « les plus fragiles se verraient imposer des jours de carence supplémentaires, sans aucune indemnisation pour des arrêts courts inférieurs à une semaine. » Pour lui, cette réforme « frappe tout le monde, excepté les riches et les très grandes entreprises » et « contribuera à creuser les inégalités socialement. »
« Un impact aggravant sur le coût du travail »
Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), se montre également très critique, expliquant à 42mag.fr que « la facilité de faire porter ce fardeau aux entreprises est inacceptable. » Il poursuit : « Ce sera encore les employeurs qui en paieront le prix, et cela ne fera qu’alourdir le coût du travail. » Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), s’est aussi indigné mardi sur BFMTV, avant même que cette piste ne soit officiellement présentée, la qualifiant de « scandaleuse et profondément injuste. » Selon lui, « les dirigeants d’entreprises sont totalement désarmés face à cette situation. »
La CPME, en accord avec le Medef, soutient en revanche la création d’une période de carence allant de un à trois jours, pendant laquelle les salariés en arrêt maladie ne recevraient aucune indemnité, ni de la part de l’Assurance-maladie, ni de leur employeur.
Quant à Yohan Sannac, vice-président du syndicat de médecins MG France, il a dénoncé sur BFMTV cette modification des jours de carence, qu’il décrit comme un « transfert des charges financières vers le secteur privé. » Il avertit que si les compagnies d’assurances privées doivent couvrir ces frais supplémentaires au nom des entreprises, elles risqueraient d’augmenter les cotisations, ce qui pourrait, selon lui, aggraver la situation.
« La maladie n’est pas une option choisie »
Au-delà des seuls aspects financiers, les syndicats dénoncent un durcissement du recours aux arrêts-maladie envisagé par le gouvernement, qui projette de « limiter à quinze jours toute première prescription d’arrêt de travail en médecine de ville », selon les propos de Catherine Vautrin. Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a rappelé sur BFMTV mardi, avant l’annonce officielle du projet : « Tomber malade n’est pas une décision volontaire. On ne s’arrête pas parce qu’on veut faire autre chose. »
Denis Gravouil de la CGT critique également les propos de Catherine Vautrin qui donne l’impression que les salariés seraient irresponsables, soulignant à 42mag.fr : « Avec le vieillissement de la population et l’allongement du temps de travail, il est inévitable que certains salariés connaissent davantage d’arrêts maladie. »
Il condamne la « vision purement budgétaire » du gouvernement qui est à ses yeux « une véritable erreur en matière de santé publique. » Il illustre son propos en expliquant qu’« une personne atteinte d’un cancer ne détecte pas forcément les premiers symptômes immédiatement. » Il poursuit : « Ces arrêts maladie de courte durée, dus à des migraines ou une fatigue intense, peuvent néanmoins révéler une maladie grave si le médecin est vigilant. En restreignant les arrêts courts, on risque d’empirer considérablement la santé des patients. »
La CGT se montre incertaine quant à sa participation aux discussions entre partenaires sociaux, estimant que ces négociations commencent sur des bases « où il n’y a rien à gagner, mais beaucoup à perdre ». Denis Gravouil affirme que le syndicat prendra une décision fin août ou début septembre et met déjà en place une mobilisation intersyndicale pour des actions prévues à la rentrée.