Cette décision prise par la ministre de la Culture est principalement motivée par son désir d’empêcher l’ancien Premier ministre de s’implanter politiquement à Paris. Elle souhaite ainsi empêcher qu’il ne s’affirme comme un acteur clé dans la capitale, ce qui pourrait lui permettre de peser de manière importante lors des prochaines élections municipales, un enjeu qui constitue son but majeur.
Elle entre finalement dans la course. Rachida Dati a annoncé lundi 28 juillet dans Le Parisien qu’elle sera candidate « quoi qu’il arrive » à la législative partielle dans la 2e circonscription de Paris, après avoir entretenu longtemps le doute quant à ses intentions. Visant clairement les municipales de 2026 à Paris, la ministre de la Culture se positionne pour le moment en dissidente à droite, tandis que Les Républicains ont officiellement investi Michel Barnier lundi en fin de journée.
L’ancien Premier ministre a réussi à convaincre la commission nationale d’investiture (CNI), qui a également rencontré brièvement Rachida Dati à sa demande, afin qu’elle puisse défendre sa candidature. Son objectif : préserver son territoire, dénoncer ce qu’elle considère comme un parachutage, et préparer sa campagne pour les municipales. Franceinfo revient sur les motivations derrière cette candidature qui, si elle se confirme, pourrait chambouler le scrutin de septembre.
Pour freiner les « ambitions personnelles » de Michel Barnier
La principale raison évoquée par Rachida Dati auprès du Parisien lundi après-midi, lorsqu’elle a officialisé sa candidature, est de contrer les ambitions présidentielles de Michel Barnier. « Je me présente parce que les Parisiennes et Parisiens doivent comprendre que ce scrutin ne peut pas se résumer à la promotion des ambitions présidentielles de Michel Barnier », explique-t-elle, dénonçant un « manque de respect » selon elle de la part de l’ex-Premier ministre. « La présidentielle et la municipale ne sont pas comparables. Les ambitions personnelles ne doivent pas compromettre la seule opportunité de victoire que nous ayons depuis vingt ans », a-t-elle lancé devant la CNI.
De son côté, Michel Barnier assure sur X qu’il veut se « consacrer pleinement aux habitants de [leur] circonscription et porter leur voix avec dignité et clarté ». Sans annoncer officiellement une candidature à la présidentielle, il a répété à plusieurs reprises être « déterminé », insistant : « Il faudra être unis et courageux. Je souhaite rester utile aussi longtemps que possible. (…) On ne peut pas se contenter de regarder », déclarait-il jeudi auprès du Figaro à propos de 2027.
Parce qu’elle revendique cette circonscription comme « son » territoire
Bien qu’elle n’ait jamais été députée à l’Assemblée nationale, Rachida Dati considère cette 2e circonscription parisienne comme son bastion privilégié. Cette circonscription englobe une partie du 7e arrondissement dont elle est maire depuis 2008, non-stop. Ce n’est pas la première fois que la conseillère municipale voit un poids lourd de son camp débarquer dans « son » fief lors d’élections législatives. En 2012, François Fillon, puis en 2017 Nathalie Kosciuscko-Morizet, avaient été investis dans cette circonscription par l’UMP puis LR, sans lien particulier avec le quartier. À chaque fois, Rachida Dati avait violemment contesté ces choix.
Dans Le Parisien, elle a qualifié la candidature de l’ancien Premier ministre de « parachutage ». Un proche de la ministre avait même ironisé mi-juillet auprès de 42mag.fr : « Franchement, on ne voit pas l’intérêt pour Michel Barnier de se lancer dans cette galère à Paris. S’il veut vraiment revenir à l’Assemblée nationale, la 5e circonscription des Français de l’étranger est libre ». Ceci illustre à quel point le camp Dati tient à cette circonscription, d’autant plus qu’un allié fidèle de la ministre, Jean Laussucq, avait été investi en 2024 par le camp présidentiel au détriment du député macroniste sortant Gilles Le Gendre. Pourtant, environ un an plus tard, Jean Laussucq a été déclaré inéligible par le Conseil constitutionnel, déclenchant la législative partielle prévue en septembre.
Car cette candidature s’inscrit dans une stratégie offensive en vue des municipales de 2026
L’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy l’a affirmé à plusieurs reprises : son but ultime est de conquérir la mairie de Paris. Elle a déjà tenté sa chance deux fois, sans succès : en 2014, la droite avait choisi Nathalie Kosciusko-Morizet pour être la tête de liste, et en 2020, Anne Hidalgo avait conservé son poste. Pour 2026, Rachida Dati s’est positionnée relativement tôt et cherche à s’appuyer sur une alliance réunissant le centre et la droite, notamment autour du camp présidentiel. Un enregistrement diffusé début juin dans l’émission « Complément d’enquête » sur France 2 a révélé qu’elle aurait obtenu une « garantie sur la mairie de Paris » en échange de son entrée au gouvernement en janvier 2024. En clair, elle assure le soutien actif du bloc central dans sa détermination à succéder à Anne Hidalgo.
Sa décision d’entrer dans la course législative partielle n’affaiblit pas cet objectif. Certains chez LR estiment au contraire qu’il s’agit d’une tactique destinée à négocier le retrait de sa candidature contre l’investiture officielle des Républicains aux municipales. Un cadre de LR à Paris y voit un simple bluff : « Elle est beaucoup moins forte qu’on ne le croit », expliquait-il à 42mag.fr lundi soir, notamment en raison de ses ennuis judiciaires. En effet, Rachida Dati a été mise en examen en 2021 dans l’affaire Carlos Ghosn pour corruption et trafic d’influence, fait l’objet d’une enquête sur du lobbying présumé pour GDF-Suez et est citée dans deux dossiers relatifs au lobbyiste Tayeb Benabderrahmane.
Dans la capitale, certains pensent que cette candidature est surtout un moyen de gagner du temps alors que les dates de son procès dans l’affaire Carlos Ghosn ne seront fixées que le 29 septembre. « Avec tous ces dossiers judiciaires, elle tente surtout d’obtenir une immunité parlementaire, qu’elle acquerrait en devenant députée », critique David Belliard, candidat écologiste à la mairie de Paris, dans Paris Match. En effet, bien qu’un député puisse toujours être poursuivi et condamné, l’Assemblée nationale précise que durant son mandat, un député « ne peut faire l’objet d’arrestation ou de toute autre mesure privative de liberté (comme un contrôle judiciaire) » sans l’autorisation préalable du bureau de l’Assemblée.
Parce qu’elle bénéficie du soutien de ses alliés et d’une partie du camp présidentiel
Opposée à Michel Barnier, soutenu en particulier par Bruno Retailleau et plusieurs piliers LR à Paris, Rachida Dati ne mène pas ce combat seule. Elle peut compter sur l’appui étroit de ses partisans, notamment dans le groupe d’opposition municipale Changer Paris, mais aussi sur des voix influentes, notamment dans la sphère du camp présidentiel.
Naïma Moutchou, vice-présidente Horizons à l’Assemblée nationale, a exprimé son soutien « personnel » à Dati sur X lundi soir. « Son parcours force le respect, son engagement n’a jamais faibli. Elle connaît chaque enjeu du 7e arrondissement, chaque recoin de cette circonscription qu’elle a contribué à développer. » Karl Olive, député Renaissance des Yvelines, a aussi fait part de son « appui total et sans réserve » à la candidate dans un long message publié sur X. Toutefois, les différentes composantes du bloc central — Renaissance, MoDem et Horizons — n’ont pas encore adopté de position officielle commune concernant cette campagne, qui devrait être suivie de près.