Mercredi 23 juillet, François Kalfon, député européen affilié au Parti Socialiste et au groupe Place Publique, est intervenu en tant qu’invité politique lors de l’émission diffusée sur 42mag.fr.
Ce passage est extrait de la transcription du reportage proposé ci-dessus. Pour visionner la vidéo en intégralité, cliquez dessus.
Alix Bouilhaguet : Rachida Dati a été renvoyée devant une juridiction correctionnelle pour des accusations de corruption et de trafic d’influence. Elle a décidé de faire appel. La ministre de la Culture est soupçonnée d’avoir perçu illégalement 900 000 euros de la part de Renault entre 2010 et 2012. Le mardi 22 juillet, Emmanuel Macron a déclaré qu’une mise en examen ne valait pas condamnation, laissant entendre qu’elle pouvait donc conserver son poste au gouvernement. Selon vous, peut-elle rester en fonction ?
François Kalfon, eurodéputé PS-Place Publique : Revenons aux faits : elle était députée européenne et a perçu de l’argent. Ces faits s’apparentent clairement à de la corruption, surtout qu’une partie d’entre eux a déjà été jugée.
Elle est mise en examen et donc présumée innocente. Pensez-vous qu’elle devrait rester au gouvernement dans ce contexte ?
Ce n’est pas vraiment une présomption d’innocence, mais plutôt une présomption de candidature pour la mairie de Paris. Par ailleurs, tout le monde sait bien que Madame Dati est davantage une ministre de papier, au sein d’un gouvernement en pleine dérive. Elle symbolise en réalité un compromis entre un président sortant, Monsieur Sarkozy, et un autre, Monsieur Macron, afin de consolider une alliance improbable dans le but de remporter la mairie de Paris.
Est-il choquant qu’Emmanuel Macron affirme qu’elle n’étant pas condamnée, elle peut rester au gouvernement ? Ou pensez-vous qu’elle doit démissionner ?
Il est clair qu’elle devrait démissionner. Je rappelle une certaine tradition, celle instaurée par Lionel Jospin, que les moins de vingt ans ne connaissent peut-être pas : chaque fois qu’un ministre est mis en cause, il quitte temporairement son poste pour ne pas alimenter la perception d’une collusion entre politiques et intérêts douteux au sommet de l’État. Or ce gouvernement ressemble davantage à une plateforme de lancement pour hommes et femmes politiques en quête de mandat.
Vous faites allusion à qui ? À Bruno Retailleau récemment évoqué dans Valeurs actuelles ?
En effet, il apparaît en une de Valeurs Actuelles pour régler ses comptes avec Macron et éviter de porter la responsabilité de l’échec du président. Un ministre doit soit garder le silence, soit partir. Nouvelle règle dans le macronisme : on parle et on reste en poste. Et c’est toujours au détriment des Français qui supportent le coût élevé de cette gouvernance.
Rachida Dati souhaite-t-elle toujours se présenter aux municipales à Paris en mars ?
Ce sont les électeurs, ainsi que les partis, qu’il s’agisse de celui de Monsieur Macron ou des Républicains, qui trancheront. Pour ma part, j’ai la conviction qu’il existe un excellent candidat pour Paris, Emmanuel Grégoire [PS], choisi à l’issue d’un scrutin démocratique. C’est lui qui incarne le véritable avenir pour la mairie. Quant à Madame Dati, qui tente d’accéder à ce poste, je suis certain que les Parisiens la sanctionneront.
Mobilisation citoyenne contre la loi Duplomb et son impact sur l’agriculture
La pétition contre la loi Duplomb approche les deux millions de signatures. Cette initiative citoyenne vise à s’opposer à une législation facilitant l’usage d’un pesticide controversé dans le secteur agricole. Les socialistes s’y sont opposés. Que répondez-vous aux agriculteurs qui se sentent abandonnés face à cette situation ?
Je rappelle qu’il s’agit d’un pesticide appartenant à la famille des néonicotinoïdes, sur lesquels l’ANSES [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail] indique qu’il existe des alternatives. Je soutiens pleinement les agriculteurs quand ils disent « pas de suppression sans remplacement ». La hausse significative des cancers, notamment celle alarmante du cancer du pancréas, est liée à l’usage de produits chimiques en agriculture. Une récente étude révèle qu’en France, ce cancer est deux fois plus fréquent qu’en Allemagne en raison des intrants chimiques employés. Il est essentiel de protéger à la fois les agriculteurs et la population en général.
Cependant, ce pesticide reste autorisé dans 26 États européens sur 27. En clair, seule la France l’a interdit depuis 2018, invoquant le principe de précaution. Pendant ce temps, les agriculteurs français subissent une concurrence déloyale et les produits européens traités avec ce pesticide continuent d’envahir nos marchés.
Il faut parfois adopter une position avant-gardiste en matière de santé publique. Le principe de précaution doit s’appliquer. Face à l’augmentation des cancers — un Français sur deux est désormais touché par la maladie —, il serait irresponsable de ne pas agir, surtout pour les populations qui vivent à proximité des zones agricoles. Ce n’est pas un dogme opposé aux agriculteurs : au contraire, je les soutiens, notamment en m’opposant au traité UE-Mercosur. Mais en l’occurrence, selon l’ANSES, des alternatives existent à l’usage de ces néonicotinoïdes.
Un appel à un nouveau débat parlementaire
Vous réclamez un nouveau débat à l’Assemblée nationale. Pourtant, paradoxalement, les socialistes ont entravé un tel débat auparavant. Maintenant vous en réclamez un, pourquoi ?
Tout cela est une question de procédure. Ce mouvement citoyen est très puissant et transcende les clivages politiques. Chaque jour, il gagne environ 500 000 signatures supplémentaires. Ignorer ce mouvement serait un affront à des millions de citoyens qui comprennent que leur agriculture et ses acteurs sont essentiels, mais que cette agriculture ne doit pas compromettre leur santé. Un débat est indispensable.
Ce débat serait toutefois sans vote final. À quoi pourrait-il alors servir ?
Idéalement, le gouvernement ferait preuve de sagesse en revenant sur la loi Duplomb et en reconnaissant son erreur — ce qui s’est déjà vu en politique — en supprimant la réintroduction de ces néonicotinoïdes potentiellement nuisibles à la santé publique.
Concrètement, exhortez-vous Emmanuel Macron à ne pas promulguer cette loi ?
Oui, sans aucun doute. Plus d’un million et demi de citoyens ne réclament pas seulement un débat, mais exigent le retrait de cet intrant chimique qui menace la santé. Je lance donc un appel solennel ce mercredi 23 avril au président Emmanuel Macron : retirez ce texte.
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