Suite à la révélation de son renvoi devant le tribunal correctionnel pour des faits de corruption, Rachida Dati a violemment critiqué les magistrats, qu’elle accuse de porter atteinte aux droits de la défense. Selon elle, ces juges ne respectent pas les règles fondamentales qui protègent les personnes mises en cause, estimant que leur conduite est préjudiciable à une procédure équilibrée.
Mercredi, Transparency International France, organisation non gouvernementale spécialisée dans la lutte contre la corruption, a déclaré sur 42mag.fr qu’il était « inadmissible de critiquer des juges indépendants dans un État de droit ». Cette réaction fait suite aux accusations de Rachida Dati, qui avait vivement attaqué certains magistrats, les accusant de porter atteinte aux droits de la défense. La veille, des juges d’instruction avaient ordonné de poursuivre en justice l’actuelle ministre de la Culture pour des faits de « corruption » et de « trafic d’influence » liés à l’affaire Carlos Ghosn.
Kévin Gernier, en charge du plaidoyer au sein de l’ONG, a estimé que les déclarations de Rachida Dati « alimentent une méfiance croissante parmi la population. Elles attisent les tensions. » Il a également exprimé sa déception face à la position du président Emmanuel Macron, qui, selon lui, « a nettement abaissé ses exigences éthiques depuis 2017 ». À cette époque, « il proclamait que tout membre du gouvernement mis en examen devait démissionner. Cette règle ne s’applique plus, la doctrine a évolué ».
Si le cas de Rachida Dati est particulièrement évoqué – elle est mise en cause pour recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance, ainsi que pour corruption et trafic d’influence passifs en sa qualité de membre du Parlement européen –, Transparency International France en profite pour pointer du doigt l’ensemble du système.
« Cette affaire reflète un problème plus vaste, essentiellement politique, sur lequel nous tirons la sonnette d’alarme depuis de longues années sans grand écho. »
Kévin Gernier, responsable de plaidoyer chez Transparency Internationalsur 42mag.fr
Ce problème, selon Kévin Gernier, concerne « les activités professionnelles secondaires exercées par certains parlementaires français ou européens ». Il révèle qu’« environ un tiers des eurodéputés à Bruxelles cumulent leur mandat avec une autre activité rémunérée ». Cette situation « engendre potentiellement des conflits d’intérêts » qui demeurent souvent « non encadrés », d’autant plus que « certaines de ces activités sont liées à des lobbys ».
Une insuffisance de régulation concernant les eurodéputés
Pour Kévin Gernier, il est essentiel de renforcer la transparence : « Aujourd’hui, nous n’avons pas suffisamment de visibilité, notamment en ce qui concerne les liens existant entre les lobbys et les responsables politiques à Bruxelles comme en France. » Le plaidoyer souligne qu’il y a un « manque de règles claires à Bruxelles quant aux revenus complémentaires des députés européens », mais aussi une absence « de transparence totale ». Il rappelle que « 5 % des eurodéputés gagnent plus grâce à leurs autres activités professionnelles privées que par l’indemnité mensuelle de 8 500 euros nets qui leur est versée, montant supposé leur permettre de se consacrer exclusivement à leur mandat ».
Interrogé au sujet de l’indice de perception de la corruption publié annuellement par Transparency International, Kévin Gernier s’est exprimé à propos du recul de la France, qui a perdu cinq places en un an : « C’est la première fois que nous constatons un recul aussi prononcé dans le classement de la France depuis la mise en place de cet indicateur en 1995. Le pays se retrouve désormais à la 25e position mondiale. » Pour lui, « ce signal est préoccupant » et mérite toute notre attention. « La situation actuelle pourrait entraîner une perte de contrôle sur la corruption. Les citoyens commencent à perdre confiance envers leurs élus et responsables publics. Le maintien d’une ministre poursuivie pour corruption ne fait rien pour améliorer cette perception ». conclut Kévin Gernier.