Confronté aux actes de violence provoqués par le trafic de drogue à Marseille, Franck Allisio, député Rassemblement National des Bouches-du-Rhône, considère qu’une mesure efficace consisterait à instaurer l’état d’urgence sur l’ensemble de la ville ou au moins sur une de ses zones.
Depuis le lundi 21 juillet, plusieurs quartiers de Nîmes imposent un couvre-feu aux mineurs âgés de moins de 16 ans, et ce pour une durée de quinze jours. La municipalité justifie cette décision par la volonté de freiner les phénomènes de « fusillades, règlements de comptes et tensions entre bandes ». Cet été, des mesures comparables ont déjà été adoptées dans d’autres communes, telles que Saint-Ouen ou Béziers.
Cependant, le député Rassemblement National des Bouches-du-Rhône, Franck Allisio, estime qu’il est nécessaire d’aller au-delà de ces actions locales. Pour lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants à Marseille, il réclame une démarche au niveau national : selon lui, « une mesure nationale que le maire devrait solliciter auprès du gouvernement, et que ce dernier devrait mettre en œuvre, serait la déclaration de l’état d’urgence sur tout ou partie de Marseille ». D’après Franck Allisio, ce type de décision n’est pas inédite, « ce ne serait pas la première fois » qu’elle est prise. Il rappelle en effet que « l’état d’urgence a déjà été instauré en France dans certains quartiers ou communes en 2005 ».
Le contexte de 2005 : l’état d’urgence dans plusieurs villes dont Marseille
Effectivement, Franck Allisio met en lumière une réalité historique : l’état d’urgence a été instauré à l’échelle locale. En 2005, face aux émeutes qui agitaient les banlieues françaises, le président Jacques Chirac avait décidé d’engager ce dispositif exceptionnel. Le chef de l’État avait, dans un premier temps, signé un décret général étendant l’état d’urgence à l’ensemble de la métropole française, avant de préciser dans un second décret les zones géographiques directement concernées. Parmi celles-ci figuraient huit départements d’Île-de-France ainsi qu’une trentaine de communes, dont Marseille, Toulouse, Lyon, Lille et Nancy.
Cette situation d’état d’urgence, prolongée une fois, avait duré trois mois et douze jours au total. Son extension avait toutefois été contestée devant la justice par un collectif réuni autour de 74 juristes. Malgré cela, le Conseil d’État avait validé la prolongation, estimant que la menace d’incidents accrus lors des fêtes de fin d’année justifiait cette mesure. Pendant cette période, les autorités avaient la possibilité d’ordonner des perquisitions à domicile, de jour comme de nuit, d’infliger des assignations à résidence, d’imposer des couvre-feux, ou encore de fermer des établissements comme des débits de boissons ou des lieux de rassemblement.
Un potentiel litige devant le Conseil d’État
Si la question d’une nouvelle déclaration d’état d’urgence à Marseille est posée pour combattre le trafic de drogue, il reste à savoir si le Conseil d’État adopterait aujourd’hui une position semblable à celle de 2005. L’état d’urgence est-il réellement une réponse adaptée et proportionnée à ce type de délinquance ? La loi du 3 avril 1955 encadrant ce régime prévoit son déclenchement dans deux cas précis : soit en cas de catastrophe naturelle ou calamité publique, soit si l’ordre public est gravement atteint. La situation sécuritaire marseillaise pourrait-elle être assimilée à cette seconde hypothèse ? Plusieurs spécialistes du droit consultés à ce sujet émettent de sérieux doutes.
Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, souligne que le trafic de drogue à Marseille « perdure depuis de nombreuses années, et ne constitue donc pas un péril imminent ». Selon lui, pour qu’un état d’urgence soit justifié, il faudrait démontrer une aggravation récente des violences. Dans une idée proche, Benjamin Morel, maître de conférences en droit à l’université Paris Panthéon-Assas, rappelle que ce type de mesure doit répondre à une « situation exceptionnelle ». Or, précise-t-il, « le trafic de stupéfiants est un phénomène durable et structurel ». Pour Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public à l’université de Rouen, la notion de « menace grave à l’ordre public » demeure « assez souple » dans son interprétation. Cependant, elle avertit : « c’est une exigence sévère car l’ensemble des mesures prises pourrait être contesté devant le Conseil d’État ».