Philippe Brun, député affilié au Parti Socialiste représentant l’Eure, a été l’invité politique de 42mag.fr le jeudi 14 août.
Cette section provient d’un extrait de la retranscription de l’entretien mentionné ci-dessus. Pour le visionner dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
France Télévisions : Quelle est votre opinion sur l’initiative d’Emmanuel Macron visant à associer les Européens dans le duo entre Vladimir Poutine et Donald Trump ?
Philippe Brun : C’était nécessaire. C’est d’ailleurs la première fois, dans notre actualité récente et sur ces cinq dernières années, où l’avenir de l’Europe se décide sans elle. Et on ne peut guère attendre davantage du sommet prévu demain, puisque l’absence des Européens et des Ukrainiens empêche tout dialogue d’aboutir. Donc le président de la République a raison de rappeler les choses, d’insister. Il était grand temps, car cela fait un moment que nous sommes mis à l’écart dans ces discussions.
Contrairement à février dernier, lorsque le PS n’avait pas soutenu la motion de censure sur le budget 2025, êtes-vous déterminé à déposer une motion dans les semaines qui viennent ?
C’est avant tout un changement de posture du Premier ministre. En janvier, c’est lui qui ouvrait largement le dialogue. Il nous a permis d’obtenir de nombreuses victoires. Jérôme Guedj et moi-même sommes allés négocier. Nous avions obtenu plus de 12 milliards d’euros de concessions pour protéger les classes populaires et les classes moyennes. À présent, nous nous trouvons face à un autre exercice. On a l’impression que le Premier ministre cherche finalement à partir. Il organise sa sortie. Il avance seul des annonces le 15 juillet, puis, durant tout l’été, il décide d’acter son départ. Il va même jusqu’à publier, sur le compte de son parti (Modem), une image assimilant Olivier Faure, notre premier secrétaire, à Marine Le Pen.
Est-ce que cela vous a irrité ?
C’est très étrange. Quelqu’un qui souhaite avant tout l’intérêt du pays devrait discuter avec l’ensemble des acteurs afin de faire passer un budget, car l’objectif, c’est qu’un budget soit adopté. François Bayrou fait perdre du temps au pays et coûte cher à de nombreuses entreprises, à des commerçants et à des artisans. S’il veut partir, qu’il parte tout de suite. S’il veut ouvrir le dialogue et que la France obtienne un budget, il doit changer radicalement de posture.
Pourriez-vous le retenir avec des propositions issues de votre part afin de négocier comme c’était le cas en février dernier ?
C’est le Parlement qui vote le budget. Et nous avons le pouvoir et le devoir de proposer un budget pour la France et de veiller à son adoption. Ce que l’on constate, c’est qu’il ne demeure presque rien du plan Bayrou. C’est un texte qui pénalise la France qui travaille, qui se réveille tôt, et qui sollicite essentiellement les classes populaires et les classes moyennes, tout en épargnant ceux qui ont profité de la crise, en particulier les très grandes fortunes. Dès septembre, nous présenterons notre propre plan, équilibré, qui protègera les classes populaires et les classes moyennes, qui instaurera une justice fiscale et qui étalera l’effort budgétaire afin d’éviter l’austérité et de la répartir dans le temps. Nous souhaitons que ce soit la base de discussion avec le gouvernement, car le plan Bayrou nous paraît aujourd’hui dépassé et inadapté.
Est-ce que vous envisagez que cela serve de contre-budget pour ouvrir les négociations avec François Bayrou et éviter une motion de censure éventuelle ?
Les socialistes annonceront leur position, leur propre plan et ce qu’ils estiment être le socle de discussion avec l’Assemblée nationale : préserver la croissance, maintenir l’investissement, protéger les classes populaires et les classes moyennes, relancer une consommation qui demeure faible aujourd’hui, tout en réparant nos finances publiques. Nous présenterons cette proposition à la rentrée et pensons qu’elle doit constituer la base de travail, et non le plan Bayrou qui, aujourd’hui, fait l’unanimité contre lui, même dans sa propre majorité. J’ai discuté il y a quelques jours avec un député Modem, et très peu de députés semblent prêts à le soutenir. Il faut donc concevoir un nouveau plan.
Pourriez-vous en donner les grandes lignes ?
Tout d’abord, l’effort doit être ramené à 43 milliards afin d’éviter l’austérité. Et comme plusieurs instituts majeurs l’indiquent, il faut lisser cet effort sur la durée pour ne pas briser une économie déjà fragilisée. Ensuite, il faut que ceux qui ont tiré profit de la crise prennent leur part, notamment les grandes fortunes qui ont été largement exonérées d’efforts au cours des huit dernières années. Depuis 2017, 50 milliards d’allégements d’impôts leur ont été accordés chaque année.