Ce jeudi 7 août, Benoît Biteau, député d’Europe Écologie Les Verts pour la Charente-Maritime, est l’invité politique de 42mag.fr. Au cours de l’échange, il a été questionné sur les feux qui se déclenchent dans l’Aude et sur le texte relatif à la loi Duplomb.
À la suite de l’un des incendies les plus dévastateurs de l’Aude, Benoît Biteau, député EELV de Charente-Maritime et agriculteur lui-même, était l’invité politique de 42mag.fr jeudi 7 août. Il a réaffirmé son opposition à la loi Duplomb, sur laquelle le Conseil constitutionnel doit se prononcer prochainement.
Alexandre Peyrout : En Aude, un incendie hors contrôle a brûlé 16 000 hectares. Une femme est morte, ce qui en fait l’un des feux les plus meurtriers jamais observés en France, selon Bruno Retailleau. Que vous évoquent ces images ?
Benoît Biteau : C’est l’une des implications du dérèglement climatique. On parle ici de mégafeux, ces incendies qui gagnent en intensité sous l’effet des conditions climatiques. Au-delà de l’impact du changement climatique sur le fonctionnement annuel des forêts, avec des arbres qui ont du mal à démarrer et des niveaux d’humidité qui laissent des massifs particulièrement vulnérables, les températures élevées et les vents violents aggravent ces mégafeux et compliquent la lutte contre eux.
Avec le réchauffement climatique, ces feux devraient se multiplier. Comment se préparer pour l’avenir ?
Il faut agir sur la diversification des essences. On voit notamment que les forêts de conifères sont bien plus sensibles à ce type d’incendie. Il faudra repenser l’entretien des forêts et peut-être revenir à ce qu’on appelle le sylvopastoralisme. On sait que des espaces bien entretenus par des chèvres, par exemple, présentent une vulnérabilité moindre face aux feux. On l’a constaté l’an dernier ou il y a deux ans, dans les Monts d’Arrée. Le contraste entre une zone forestière entretenue par des troupeaux et celle qui ne l’était pas était marquant.
Vous êtes député écologiste de Charente-Maritime, mais aussi agriculteur. Le Conseil constitutionnel doit rendre son avis sur la loi Duplomb jeudi 7 août. Vous aviez voté contre ce texte avec vos collègues du Nouveau Front Populaire. Que attendez-vous des sages aujourd’hui ?
Qu’ils entendent ce que nous avons tenté de mettre en valeur dans les amendements que nous voulions introduire lors du débat sur le vote de la loi Duplomb, amendements qui nous ont été empêchés parce que l’on a privilégié la procédure du 49.3 avec la motion de rejet préalable portée par le rapporteur lui-même. J’étais l’artilleur en chef de ces propositions, j’en avais déposé 452; ce n’étaient pas des amendements d’obstruction. Il faut déconstruire l’idée selon laquelle nous n’aurions pas voulu débattre. Bien au contraire. Ce texte est extrêmement dangereux…
Vous vouliez le détricoter ?
Nous cherchions même à profiter de ce texte pour ouvrir un vrai dialogue sur l’agriculture, car il existe un enjeu réel lié aux revenus des agriculteurs et à la souveraineté alimentaire, que ce texte n’adresse pas. La souveraineté alimentaire est menacée aujourd’hui par l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique, et pas seulement par la suppression d’une molécule. Si nous perdons les insectes qui pollinisent les fleurs qui donnent fruits, céréales ou légumes, la souveraineté alimentaire s’effondrera. Et plus on aura recours aux pesticides, plus la souveraineté alimentaire sera fragilisée, parce que l’effondrement de la biodiversité est amplifié et le dérèglement climatique s’accentue.
L’agronomie est une solution
Sur quel motif, selon vous, le Conseil constitutionnel pourrait censurer cette loi ?
Cette motion de rejet préalable est tout à fait inédite. Cela peut interpeller le Conseil constitutionnel. Si le Conseil a examiné les amendements, et notamment les 452 que j’avais déposés, il verrait bien qu’il existe une autre voie et que l’absence d’un véritable débat constitue une atteinte à la démocratie sur ce sujet extrêmement stratégique qu’est l’agriculture. De plus, le code de l’environnement est intégré à la constitution, avec le principe de non-régression. Le principe de précaution doit s’appuyer sur deux piliers. Or, alors que l’on porte de multiples doutes sur la dangerosité des pesticides en général — et pas seulement sur l’acétamipride dans cette loi —, et que pendant des décennies d’utilisation massive de pesticides, l’agronomie a progressé de manière considérable pour proposer des alternatives, l’argument « pas de suppression sans solution » masque mal l’importance de l’agronomie comme solution.
Des producteurs de noisettes assurent en avoir besoin. Que leur répondez-vous ?
L’agronomie a progressé et les approches agroécologiques apportent des réponses. On a des producteurs de betteraves qui savent faire sans acétamipride, et des producteurs de noisettes qui savent faire sans acétamipride. Et il faut regarder qui bénéficie réellement de la loi Duplomb. Elle ne sert qu’à 3 % des éleveurs cherchant à construire de grands bâtiments d’élevage et à élever les seuils des installations classées au titre de l’environnement. Ce sont seulement 6 % des agriculteurs qui irriguent et qui veulent des mégabassines. Quand j’entends des propos de la part du président de la République, d’un Premier ministre ou même d’un ministre de l’Agriculture affirmant : « Il n’y a pas de souveraineté alimentaire sans irrigation », c’est une insultante desaffection pour les 94 % d’agriculteurs qui continuent à produire sans avoir accès à l’eau et qui, de surcroît, se heurtent à des difficultés de gestion de la ressource hydrique parce que ces 6 % les ont accaparées, avec ou sans mégabassines. Seuls 4,3 % des surfaces pourraient être concernés par l’utilisation de l’acétamipride. Cependant, ces 4,3 % ont un impact majeur sur des ressources vitales comme l’eau que nous buvons quotidiennement et l’air que nous respirons.