Les premiers gestes dans cette direction ont été amorcés jeudi. Les réactions venant de la communauté internationale se sont accrues ces derniers jours, dénonçant le plan de Benyamin Nétanyahou.
Les forces israéliennes accentuent la pression sur Gaza‑ville, l’une des communes les plus densément habitées de l’enclave palestinienne. Les actions préliminaires ont été déclenchées jeudi 21 août. Le plan présenté par Benyamin Nétanyahou, ratifié par le cabinet de sécurité au début du mois, vise à prendre le contrôle de cette municipalité, présentée comme le dernier bastion important du Hamas dans un territoire partiellement tari par la famine, comme l’a indiqué l’ONU vendredi. Franceinfo apporte des réponses à quatre questions à l’issue du lancement de ces manœuvres, largement critiquées par la communauté internationale.
Quelle forme prend l’offensive sur la ville de Gaza ?
Le ministre de la Défense, Israël Katz, a donné son accord mercredi sur le plan d’attaque et a ordonné le rappel de 60 000 réservistes de plus. « Nous avons engagé des opérations préliminaires pour l’attaque. Nos forces se tiennent en périphérie de la ville. Nous allons créer les conditions pour ramener les otages », a déclaré mercredi le porte‑parole de l’armée israélienne, Effie Defrin. Benyamin Nétanyahou a demandé que « le délai pour s’emparer des derniers bastions terroristes et vaincre le Hamas soit raccourci », sans fixer de date, selon un communiqué des services du Premier ministre.
Selon les premiers témoignages sur le terrain, beaucoup d’habitants ont quitté le quartier périphérique de Zeitoun, à l’est de la ville, qui fait l’objet de bombardements intenses. L’armée israélienne « a détruit la quasi‑totalité des immeubles et contraint des milliers de personnes à fuir », a raconté au téléphone à l’AFP Anis Dalloul, 64 ans, réfugié dimanche dans un autre secteur. « Nous craignons que l’armée n’occupe la ville et que nous soyons déplacés à nouveau ». Mostafa Qazaat, chef du comité d’urgence de la municipalité de Gaza, a confirmé qu’«’un grand nombre» d’habitants du nord de la ville et de quartiers orientaux se dirigeaient vers l’ouest et vers le sud.
Quels sont les objectifs affichés par Israël ?
Lors de la présentation du plan au début du mois, Benyamin Nétanyahou a affirmé viser « la défaite du Hamas », au pouvoir dans l’enclave et responsable des attaques du 7 octobre 2023. L’armée israélienne estime que des combattants du mouvement islamiste Hamas se cachent encore dans la ville de Gaza. Le plan prévoit aussi la mise en place d’« une aide humanitaire à destination de la population civile », dans des conditions encore floues.
Gaza n’a pas été occupée jusqu’ici par Tsahal en raison de l’éventuelle présence d’otages israéliens détenus par le Hamas. L’État hébreu « n’a pas d’autre choix pour achever le travail » a soutenu dimanche 17 août Benyamin Nétanyahou,qualifiant l’opération de « le meilleur moyen de mettre fin à la guerre ».
Plus largement, le cabinet de sécurité israélien a validé début août « cinq principes pour conclure la guerre », qui ouvrent la voie à une opération d’envergure destinée à prendre le contrôle sécuritaire de l’ensemble de l’enclave palestinienne. Les buts énoncés sont « le désarmement du Hamas ; le retour de tous les otages – vivants et morts ; la démilitarisation de la bande de Gaza ; le contrôle sécuritaire israélien dans la bande de Gaza », ainsi que « l’établissement d’une administration civile alternative qui ne soit ni le Hamas, ni l’Autorité palestinienne ».
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 86,3 % du territoire est militarisé par Israël et soumis à des ordres d’évacuation. Les zones non occupées restent les plus peuplées: les villes de Khan Younès et Gaza, ainsi que le camp de réfugiés de Deir al‑Balah, au cœur du territoire.
Où en sont les négociations sur un cessez-le-feu ?
Le Hamas a annoncé lundi avoir accepté une nouvelle proposition des médiateurs (l’Égypte, le Qatar et les États‑Unis) en vue d’une trêve de soixante jours. Dans un premier volet, le dispositif prévoit la remise de dix otages vivants et des dépouilles de 18 otages décédés, en échange de la libération de prisonniers palestiniens, ainsi que l’augmentation de l’aide humanitaire, selon des sources proches du Hamas et de son allié, le Jihad islamique. L’étape suivante viserait la libération des captifs restants durant la période de la trêve, au cours de laquelle des négociations seraient menées en vue d’un cessez‑le‑feu permanent. Le gouvernement Netanyahu n’a pas encore réagi à ce stade.
Pour le Hamas, le démarrage de l’offensive israélienne dans la ville de Gaza illustre « un mépris flagrant des efforts déployés par les médiateurs ». Le mouvement islamiste désigne le Premier ministre comme « le véritable obstacle à tout accord », assurant « qu’il ne se soucie pas de la vie des otages israéliens ».
La défense civile de la bande de Gaza a fait état mercredi de 21 Palestiniens tués par des frappes et des tirs de Tsahal. Depuis le 7 octobre 2023, la riposte israélienne a fait 62 122 morts dans l’enclave, majoritairement des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas, jugés fiables par les Nations unies.
L’ONU a officiellement déclaré, vendredi, l’état de famine dans une partie du territoire, la première à toucher la région. Elle estime que 500 000 personnes se trouvent dans une situation « catastrophique ». Le 12 août, 26 pays, dont la France, le Royaume-Uni et le Japon, avaient appelé Israël à « lever tous les obstacles qui empêchent l’intervention d’acteurs humanitaires essentiels » dans la zone. L’État hébreu, qui rejette les accusations de famine délibérée, a assuré avoir autorisé une augmentation des aides humanitaires.
Quelles sont les réactions dans le monde face au plan israélien ?
Une fois de plus, le gouvernement de Netanyahou est mis sous le feu des critiques d’une grande partie de la communauté internationale. « L’offensive militaire sur Gaza que prépare Israël ne peut aboutir qu’à un véritable désastre pour les deux peuples et entraînera la région dans une guerre permanente », a dénoncé mercredi Emmanuel Macron sur X. « Je viens de m’entretenir avec le roi de Jordanie Abdallah II puis avec le président égyptien Sissi. Nous partageons la même conviction », a-t-il ajouté.
L’Espagne, ainsi que les ministères des Affaires étrangères d’Islande, d’Irlande, du Luxembourg, de Malte, de Norvège, du Portugal et de Slovénie, ont aussi condamné le plan israélien dimanche, estimant qu’il aggraverait la crise humanitaire et mettrait « davantage en danger la vie des otages » israéliens. Dans un communiqué du 8 août, Volker Türk, haut‑commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, appelait Israël à « stopper immédiatement » son plan militaire. « Tout porte à croire que cette nouvelle escalade provoquera des déplacements forcés encore plus massifs, davantage de morts, des souffrances insoutenables, des destructions insensées et des crimes atroces », a‑t‑il déclaré.
Des voix se font aussi entendre en Israël contre ce projet. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dimanche à Tel‑Aviv pour réclamer un cessez‑le‑feu à Gaza et la libération des otages. C’est l’une des plus importantes manifestations en ce sens dans le pays depuis les attaques d’octobre 2023. Le chef d’état‑major de l’armée israélienne, Eyal Zamir, a averti au début du mois des « pièges » que pourrait représenter une occupation totale de Gaza, a rapporté la presse locale.