En mai dernier, la ministre de la Culture dévoilait une initiative destinée à rendre la culture plus accessible aux personnes en vacances. Lors des mois d’été, 42mag.fr s’est rendu sur plusieurs campings afin d’évaluer la réception de cette mesure auprès des estivants.
« Rendre la culture accessible partout et pour tous » au-delà des espaces habituels, tel est le défi relevé par la ministre de la Culture, Rachida Dati. Le 23 mai dernier, elle a présenté son projet nommé « L’été culturel au camping », une initiative dévoilée depuis un camping situé à Canet-en-Roussillon, dans les Pyrénées-Orientales.
Pour mettre en lumière cette opération, le ministère a mis en avant le personnage de Patrick Chirac, protagoniste de la célèbre trilogie Camping, interprété par Franck Dubosc. Parallèlement, Rachida Dati a communiqué sur les réseaux sociaux en déclarant, dans une vidéo, qu’il y aura « plus de 1 000 activités, 1 000 événements dans les campings, alors moi, je n’ai qu’une chose à dire, rejoignez-nous ! ».
Bien que la ministre évoque un millier d’événements, la réalité serait moins ambitieuse, même si un chiffre exact demeure difficile à obtenir, d’après Yvan Navarro, cosecrétaire général de la CGT Culture. « Il est compliqué d’évaluer combien de campings seront concernés ni combien de personnes en bénéficieront, mais on sait qu’il y a au minimum 500 actions concrètes », précise-t-il. Il met aussi en perspective ce nombre par rapport aux 7 000 campings que compte la France. À titre d’exemple, dans l’Hérault, qui compte 235 campings, seuls « quatre projets » sont recensés. Que signifie cela au final ? Combien de personnes seront donc touchées ? », s’interroge-t-il, visiblement frustré.
Une initiative jugée précipitée par la CGT
Une autre source de tension majeure porte sur le financement de l’opération. « Cette initiative s’inscrit dans un budget figé. L’argent alloué aux campings sera donc pris sur d’autres secteurs », indique Yvan Navarro. Cette réalité a provoqué de vives réactions dans le milieu culturel, où Rachida Dati a été vivement critiquée, notamment dans les commentaires de sa vidéo d’annonce. Ainsi, une internaute s’indigne : « Vous faites des coupes budgétaires drastiques dans la Culture qui dévastent les lieux, les théâtres, les associations, les programmateurs et les compagnies, et vous proposez ça ? »
Un troisième reproche met en cause le rythme trop rapide de lancement de cette action, ce que le cosecrétaire général de la CGT Culture qualifie de « grosse erreur ». Selon lui, « mettre en place une politique culturelle nécessite du temps et une concertation préalable ».
Cependant, malgré ces critiques, plusieurs initiatives ont vu le jour, notamment dans le domaine des concerts. Par exemple, l’association Jeunesses musicales de France organise environ quarante concerts durant cet été. Ségolène Arcelin, directrice de l’association, reconnaît que la mise en place était rapide, mais envisage tout de même que « cela restait réalisable et que nous n’avons pas fait les choses sans méthode ».
« Nous voulions vraiment offrir une diversité de styles musicaux, sans nous limiter à ceux attendus par un certain public à un moment donné. »
Ségolène Arcelin, directrice des Jeunesses musicales de Franceà 42mag.fr
À l’image de ce concert de violoncelle organisé dans un camping de la Côte d’Opale, dans le Pas-de-Calais. « C’est un camping familial situé en pleine verdure », décrit Joséphine Couzin, responsable du Domaine du Blanc Pignon, qui a fait le choix d’accueillir Antoine Payen, violoncelliste. « Ce n’est pas un type d’animation habituel… », concède Joséphine, ajoutant que cela permet de « diversifier les animations et de proposer aux vacanciers une expérience différente ».
Connu sous le pseudonyme Tonycello, cet artiste joue le rôle d’un clown qui se débrouille avec son violoncelle. Dans son spectacle, on retrouve un poème de Raymond Queneau ainsi que des chansons de Georges Brassens ou de Bobby Lapointe. Ce n’est pas sa première prestation en camping. « Parfois, je joue en plein air, parfois c’est compliqué, car il y a souvent un château gonflable à seulement vingt mètres pendant que je joue », confie Antoine Payen avec humour.
Un spectacle original qui séduit un public conquis
Le spectacle dure près d’une heure et inclut notamment le prélude des suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach. À son terme, le public est ému et conquis. Les spectateurs louent l’excellence des morceaux joués « avec une grande maîtrise » et apprécient ce « spectacle différent » autour d’un instrument « peu familier ». Une vacancière évoque même que « cela manque peut-être dans les campings, car beaucoup d’enfants n’ont plus l’occasion de toucher un instrument de musique aujourd’hui ».
En dépit de moyens limités et d’un impact restreint cet été, cette initiative culturelle en camping demeure une démarche intéressante. Comme le souligne l’artiste Antoine Payen, « il est important de faire confiance au public, de considérer les personnes sans jamais les dénigrer, y compris celles fréquentant les campings ».