Face à une concurrence venue de Chine qui ne cesse de s’étendre, les constructeurs allemands profitent du Salon de l’automobile de Munich pour afficher leurs progrès, en présentant des modèles électriques et résolument modernes.
Un éclairage travaillé met en valeur les carrosseries des berlines étincelantes, sur fond de musique rythmée : c’est à Munich, en Allemagne, que se tient, du 8 au 14 septembre, le plus grand salon automobile d’Europe. Face aux droits de douane imposés par les États‑Unis et à la concurrence chinoise particulièrement agressive, la filière traverse une période délicate. Les constructeurs misent donc sur ce rendez‑vous pour reprendre de la hauteur.
Les industriels allemands en profitent pour sortir le grand jeu et mettre en avant leurs nouveautés électriques. On assiste presque à une chorégraphie des fabricants, notamment chez Mercedes et chez BMW avec son modèle iX3, qui revendique une autonomie de 800 kilomètres et une recharge extrêmement rapide. Le leader européen, Volkswagen, dévoile l’ID Polo, petite citadine électrique. « Il y a énormément d’espace, un coffre généreux et un niveau de confort élevé », avance un concessionnaire. « L’autonomie atteint environ 450 kilomètres et elle devrait être commercialisée autour de 25 000 euros, ce qui la rend accessible à un large public. »
S’adapter au marché chinois
Pour faire face à la concurrence féroce des asiatiques, les constructeurs allemands jouent la carte offensive. En cinq ans, leur part de marché en Chine est passée de 25 % à 5 %. Avec la nouvelle version électrique de son SUV iX3, BMW espère séduire la clientèle chinoise en adaptant sa gamme aux besoins locaux. « L’accent est mis sur le numérique », déclare Thorsten Julich, l’un des représentants du groupe. Il poursuit : « L’intérieur est légèrement plus spacieux. C’est un modèle entièrement adapté aux attentes des clients chinois. »
« Pour nous, la Chine est l’un des marchés les plus importants au monde. La concurrence s’est intensifiée, nous sommes confrontés à une guerre des prix très dure. »
Thorsten Julich, représentant du groupe BMWà 42mag.fr
Thorsten Julich assure que les équipes restent néanmoins « très optimistes ». Et il convient de l’ajouter : ce nouveau modèle sera lancé en mars prochain au prix de 68 000 euros. Avec cette nouveauté, BMW veut aussi prendre des parts sur le marché électrique chinois. Une voiture sur trois produite par le constructeur est désormais électrique.
BMW n’est pas la seule société allemande à vouloir effectuer ce virage. Il s’agit d’un enjeu majeur, car les industriels ont laissé de la place à la Chine. Focalisés sur le développement des moteurs thermiques, les constructeurs allemands ont pris du retard face à leurs homologues chinois. Une erreur selon Ferdinand Dudenhöffer. Cet expert automobile estime que les Européens doivent absolument s’imposer sur le marché chinois. « Cette année, 11 millions de voitures seront vendues dans l’Union européenne, contre 24 millions en Chine, soit plus du double », rappelle-t-il.
Il ajoute que « sur ce chiffre, plus de 50 % sont des modèles électriques ou hybrides rechargeables ». « C’est là‑bas qu’il faut faire ses preuves. C’est là‑bas que les Allemands doivent prendre l’ascendant », estime l’expert. Selon lui, les constructeurs européens manquent de stratégie : « On croit avoir mis au point une technologie fondamentale en trois ou quatre ans, et on se trompe. Les Chinois, eux, travaillent sur leur stratégie pendant vingt ans. »
« On voit qu’il y a eu une réaction »
Ces derniers mois, grâce à des dizaines de milliards d’euros investis dans la recherche, les prix des modèles allemands ont enfin reculé et les batteries gagnent en performance. Pour Mathias Pillin, directeur technique de Bosch, les nouveautés affichent des attentes conformes au marché. « Sur le salon, il y a quatre ans, on se demandait ce qui se passait. Mais aujourd’hui, je reviens à l’optimisme », affirme-t-il. « On voit qu’il y a eu une réaction : les intérieurs sont plus modernes, ils intègrent des environnements numériques », précise-t-il.
« Il faut encore baisser les prix, c’est clair. Mais sur le plan technologique, c’est vraiment le sommet. »
Mathias Pillin, le directeur technique de Boschà 42mag.fr
La riposte des constructeurs allemands demeure robuste face à l’armada des marques chinoises qui déferle sur les marchés, mais les groupes implantés en Chine n’ont toutefois pas dit leur dernier mot. Ils ont même presque doublé leur part de marché en Europe au premier semestre… Sur les stands du salon de Munich, ils sont omniprésents et presque deux fois plus nombreux que lors du salon précédent, il y a deux ans.
Le marché chinois en croissance constante
Saysan stand installé en plein centre-ville, le géant chinois BYD présente sa compacte Dolphin Surf, vendue à 20 000 euros. Sven, 40 ans, originaire de Karlsruhe près de la frontière française, s’imagine ainsi au volant d’un de ces modèles. « Sur le plan de la qualité, ce sont des voitures très compétentes, rien à leur reprocher », remarque ce client potentiel. Il poursuit son analyse, agréablement surpris : « Le prix est correct, l’autonomie atteint 500 kilomètres et, selon la publicité, la recharge se fait en cinq minutes. Pour moi, c’est crucial, je n’ai pas envie d’attendre quarante-cinq minutes. »
Cette année, les ventes de BYD ont bondi de 250 % en Europe. Et le groupe s’est donné pour objectif de poursuivre son expansion, explique Ralf Kaiser, porte‑parole du constructeur chinois en Allemagne. « Il y a deux ans, nous présentions cinq modèles. Cette fois‑ci, nous en avons 11 », souligne-t‑il. « Cela signifie que nous proposons une gamme extrêmement vaste, qu’aucun autre constructeur n’est en mesure d’offrir sur le marché à ce jour. »
Le groupe vient même d’ouvrir son 110e point de vente en Allemagne. « Nous prévoyons d’en déployer 300 l’année prochaine. C’est une croissance remarquable. Nous voulons convaincre davantage de clients, en Allemagne comme en Europe », poursuit Ralf Kaiser. Et pour esquiver les droits de douane européens sur les importations en provenance de Chine, BYD a trouvé une solution : s’apprête à inaugurer sa première usine européenne en Hongrie. De leur côté, les Européens poursuivent leur offensive électrique, avec un objectif ambitieux de lancer quelque 350 nouveaux modèles d’ici 2032.