Détenteur de l’agrégation en lettres classiques, le Premier ministre se présente comme un grand passionné d’Histoire et de littérature, et il assure qu’il ne peut trouver le sommeil sans avoir pris le temps d’ouvrir un livre.
Pour François Bayrou, l’année 1969 demeure gravée dans sa mémoire, car elle marque la rencontre avec un auteur qui le bouleverse profondément. Il évoque ce moment rare dans l’émission La Cité du livre diffusée sur LCP – La Chaîne Parlementaire : « J’ai 17 ans, je suis élève en hypokhâgne à Bordeaux et il se trouve qu’un de mes camarades est rugbyman et que nous jouons au rugby ensemble. Nous faisons halte sous la pluie battante près de l’arrêt de bus, et chacun tient un livre à la main. Le mien est un ouvrage du philosophe René Guénon que je lui offre, et lui possède un livre de Wiechert qu’il me transmet. »
Ernst Wiechert est un auteur allemand décédé en 1950. Le volume qui l’a frappé porte le titre La Servante du passeur. Bayrou est conquis et se plonge alors dans un autre roman de Wiechert, Les Enfants Jéromine, considéré comme un chef-d’œuvre qui demeure peu connu en France et qui deviendra, à ses yeux, le livre charnière de sa vie : « Je le garde toujours près de moi, sur mes tables de chevet, et je le relis sans cesse. Je l’ai peut-être lu une poignée de centaines de fois. C’est un roman éblouissant qui suit l’histoire d’un jeune homme issu d’une famille modeste de bûcherons et de charbonniers. Il traverse la Première Guerre mondiale où il sera blessé, poursuit des études de médecine et finit, devenu médecin des pauvres, de retour dans son village de Sowirog. »
Son enfance en Béarn
Un jeune homme pauvre qui s’ingénie à atteindre les plus hautes études et qui, ensuite, revient dans son village natal, blotti au cœur d’une forêt. Et si François Bayrou retrouvait là son propre reflet ? Fils de paysan, lui aussi escamote les obstacles et décroche des études brillantes. En 1974, il obtient l’agrégation de lettres classiques et demeure dans la maison de son enfance à Bordères, petit bourg des Pyrénées-Atlantiques niché aux pieds des montagnes. Lorsqu’on pointe ce parallélisme, il acquiesce et explique : « C’est toute une vie pleine de secrets. Le garçon que j’avais été percevait, chez le personnage de ce roman, le visage de son père. Je pense que mon père avait quelque chose de cela. »
Ce père, c’est Calixte. En 1974, il disparaît à la suite d’une chute d’une charrette de foin. Bayrou a alors 22 ans. Depuis, relire inlassablement Les Enfants Jéromine lui permet peut-être d’entrevoir à nouveau ce père adoré, paysan et grand lecteur. À l’époque, chez les Bayrou, pas de télévision mais une bibliothèque omniprésente, qui accompagne chaque repas et chaque travail. Il se remémore, à l’antenne de LCI : « On chargeait du maïs, mon père tenait la pelle et le petit garçon tenait le sac. Et on récitait des fables de La Fontaine avec ce geste ancestral en récitant les fables de La Fontaine. »
Sa passion pour Henri IV
« Je suis du parti de La Fontaine » aime rappeler François Bayrou, qui a toujours ses fables par cœur et n’hésite pas à les citer dans ses allocutions. Sa liste d’auteurs préférés ne s’arrête pas là et pourrait tout aussi bien compter Charles Péguy ou Rudyard Kipling. L’ancien professeur ne se contente pas de lire ; il écrit aussi, notamment une biographie d’Henri IV publiée en 1993, qui connaît un fort succès. « Je me suis intéressé à Henri IV parce que c’est une histoire à la fois romanesque et fascinante sur le plan philosophique et historique », explique-t-il dans une interview pour la chaîne YouTube HerodoteVideos. « Jamais un scénariste n’aurait pu écrire une histoire aussi folle que celle-là. »
On peut se demander s’il ne se voit pas, lui aussi, comme le héros d’un grand récit historique. Cela commencerait peut-être dans un champ béarnais pour se conclure à Matignon. Et peu importe sa chute potentielle, le lundi 8 septembre, François Bayrou, que ses détracteurs qualifient d’orgueilleux et de vaniteux, saurait sans doute arranger les choses pour que la fin demeure grandiose.