Plusieurs jours après la nomination du Premier ministre, le gouvernement dirigé par Sébastien Lecornu demeure encore inconnu.
Sébastien Lecornu a pris la fonction de Premier ministre, en remplacement de François Bayrou, mardi 9 septembre, mais le gouvernement n’est pas encore formé. Cette situation vous paraît-elle normale ?
À l’époque de la IVe République, ce type de délai était fréquent : compter entre deux et quatre semaines pour que les formations politiques s’entendent. On retient l’exemple d’Henri Queuille, qui a attendu trois semaines en septembre 1948. On hésitait alors à basculer vers le centre droit avec ce radical. Finalement, son mandat ne dura qu’un mois.
Mais la période la plus longue d’attente concernait le gouvernement de Joseph Laniel, annoncé le 28 juin 1953. Le cabinet précédent était tombé le 23 mai, soit un intervalle de 38 jours, bien loin du record de lenteur qui sera battu plus tard dans la Ve République par Michel Barnier : 51 jours entre sa nomination et la mise en place de son gouvernement, puis 9 jours supplémentaires pour achever la formation. Barnier demeure ainsi l’un des records de lenteur en matière de nomination.
La VeRépublique, fondée sur la rapidité des décisions
La Ve République a été conçue pour agir vite, contrairement aux habitudes observées sous l’ancienne IVe République. Le moteur de ce tournant a été le général de Gaulle, qui a imposé un tempo effréné dès les premiers pas. Il est élu président le 21 décembre 1958 et prend ses fonctions le 8 janvier 1959. La cérémonie a lieu à l’Élysée en présence du président René Coty, puis se poursuit par un défilé jusqu’à l’arc de triomphe devant la flamme du Soldat inconnu. De retour à l’Élysée, il nomme Michel Debré comme Premier ministre. Le décret de cette nomination paraît dans le Journal officiel le 9 janvier.
Dans l’après-midi du 8 janvier, il discute déjà avec Debré de la composition du gouvernement. Et le 9, l’intégralité du cabinet peut être publiée. En réalité, tout était bouclé en moins de 24 heures, sans vacance du pouvoir. Pour atteindre cette rapidité, de Gaulle n’a rien laissé au hasard. Depuis près de deux mois, il avait annoncé à Debré qu’il prendrait le gouvernement, et ils avaient commencé à travailler ensemble sur la suite. Le contexte, marqué par la guerre d’Algérie, rendait nécessaire de gérer le conflit et ses répercussions sur le territoire.
Des délais imposés par la nécessité de former une coalition
Et l’exemple de Gaulle continue d’inspirer. En 1981, lorsque la gauche emporte l’élection présidentielle, François Mitterrand ne tergiverse pas. Il nomme Pierre Mauroy, qui n’attend pas pour annoncer son gouvernement. Cette ère socialiste adopte en partie les pratiques gaullistes en matière de nomination du cabinet.
Certainement, en 1962, Pompidou a été pris de court et a dû mettre huit jours pour constituer son équipe. Aujourd’hui, la situation est un peu différente. Ce n’est pas l’effet de surprise qui domine, mais bien le besoin de constituer une coalition qui impose ces délais et confère à notre République une allure peut-être plus parlementaire, et donc plus lente à se mettre en place. Le Premier ministre Lecornu devrait tirer avantage de ce cadre.