Héritier d’une sensibilité artistique marquée par les couleurs andines de son père, Mark Haedo Martinez a fait du design un langage. Aujourd’hui, il repense l’expérience digitale de Salt Mobile avec une conviction simple et radicale : le design n’a de valeur que s’il crée du lien. Parce qu’au fond, le vrai design n’embellit pas la vie : il la rapproche.
Designer de la nouvelle génération, Mark Haedo Martinez revendique une approche hybride, entre art, entrepreneuriat et digital. Aujourd’hui Lead UX/UI & E-commerce chez Salt Mobile (Iliad Group), opérateur suisse détenu par Xavier Niel, il repense les parcours digitaux pour les rendre plus clairs, plus accessibles et porteurs de sens, avec une conviction : le design n’a de valeur que s’il crée du lien.
Tu as grandi dans un environnement artistique, notamment en observant ton père peindre. Comment cette enfance entourée d’art a-t-elle façonné ta vision du design aujourd’hui ?
J’ai commencé à dessiner avant même de savoir ce qu’était le mot « design ». Mon père était peintre, avec un style profondément marqué par ses racines et la culture andine. Ses toiles explosaient de couleurs vives, inspirées des marchés péruviens, des paysages et des traditions de son pays. Je passais des heures à l’observer travailler.
Très tôt, j’ai compris que la création visuelle n’était pas seulement esthétique : c’était un langage, un moyen de transmettre une histoire, une culture, une intention. Aujourd’hui encore, je garde cette conviction : le design doit avant tout être porteur de sens, adapté à son contexte et capable de créer un lien avec les gens. Pour moi, continuer dans cette voie, c’est aussi une manière de prolonger son héritage et de lui rendre hommage.
Tu te définis comme un “designer nouvelle génération”. Qu’est-ce que cela signifie pour toi, et en quoi ton approche diffère-t-elle des codes classiques du design ?
Être designer nouvelle génération, c’est refuser les étiquettes. On n’est plus uniquement graphiste, directeur artistique ou UX/UI designer : on est créateur d’expériences globales. On ne se limite pas à l’esthétique, on pense aussi business, parcours utilisateur et technologie. Personnellement, j’ai toujours voulu casser les codes, mélanger les disciplines, intégrer l’art, l’entrepreneuriat et le digital dans une même démarche. Le design, pour moi, n’est pas une finalité décorative : c’est un moyen de transformer la relation entre une marque et ses clients et d’inventer des expériences qui durent.
Ton parcours mêle art, entrepreneuriat et digital. Comment arrives-tu à faire dialoguer ces trois univers ?
L’art m’a donné la sensibilité et l’intuition. L’entrepreneuriat m’a appris la rigueur et la réalité du marché. Le digital m’offre les outils pour relier les deux et amplifier leur portée. Quand j’ai lancé mes premières marques en parallèle de mes études à LISAA, j’ai vite vu l’impact concret du design : une identité claire, un packaging bien pensé ou une interface intuitive peuvent transformer une expérience d’achat.
C’est ce mélange qui me définit. Mais plus largement, je crois qu’on vit une époque où les frontières s’effacent : un designer peut, et doit, naviguer entre ces univers pour créer quelque chose d’impactant. Et ce dialogue ne concerne pas seulement le business : il touche aussi la société, parce que le design a la capacité d’influencer nos comportements, nos usages, et parfois même notre manière de voir le monde.
Tu as fondé et développé plusieurs marques en ligne avant de rejoindre Salt Mobile. En quoi cette expérience entrepreneuriale a-t-elle enrichi ta manière d’aborder le design aujourd’hui ?
Quand on crée une marque, on touche à tout : le produit, l’identité, le site, le marketing, la logistique, la relation client. Et tu réalises vite que chaque détail compte et que le design n’est pas isolé : il est le fil conducteur qui relie tout. Cette expérience m’a donné une vision 360°. Chez Salt, je garde ce réflexe. Quand je repense un parcours client ou que je travaille sur un Design System, je ne vois pas juste une interface mais une expérience complète. Pour moi le design est un levier de croissance autant qu’un outil esthétique.
Chez Salt Mobile, tu es responsable du design et de l’expérience e-commerce pour des centaines de milliers de clients. Sur quoi travailles-tu actuellement et quels sont les défis que tu rencontres dans ce rôle ?
Repenser un site de télécom, c’est comme traduire une langue technique en une langue simple. Je travaille sur un Design System qui unifiera toute l’expérience digitale de Salt : rendre les parcours plus intuitifs, plus cohérents, et surtout plus compréhensibles.
C’est un défi stimulant, car je découvrais totalement ce secteur. J’ai dû apprendre vite, comprendre ses codes et trouver un langage visuel qui parle à tous Ce que j’aime, c’est ce challenge : transformer la complexité en une expérience fluide et accessible. Pour moi, le vrai design est là : rendre les choses évidentes, même quand elles ne le sont pas au départ.
« Le vrai design n’a de valeur que s’il crée du lien. »
Le design est souvent perçu comme purement esthétique. Tu sembles au contraire y voir un levier stratégique. Comment lies-tu créativité, business et performance dans tes projets ?
On réduit encore trop souvent le design à de l’esthétique. Mais pour moi, c’est d’abord une manière de résoudre des problèmes : clarifier une interface, éviter la frustration, instaurer la confiance. Chez Salt, je le vois chaque jour : un client doit comprendre son offre en quelques clics. Le design devient alors stratégique, parce qu’il sert à la fois l’utilisateur et l’entreprise. Le vrai design, ce n’est pas celui qui brille : c’est celui qui disparaît, parce que tout devient évident.
Les nouvelles technologies, et notamment l’intelligence artificielle, transforment les métiers créatifs. Comment perçois-tu leur rôle dans ton travail de designer ?
Quand l’IA a commencé à émerger, beaucoup l’ont vue comme une menace. Moi, je l’ai toujours perçue comme une opportunité. Ce n’est pas une machine qui crée à ma place, c’est un outil qui me permet de gagner du temps sur certaines étapes techniques et d’ouvrir de nouvelles pistes d’exploration. L’intuition, la vision, l’émotion, ça reste profondément humain.
Ce que je trouve intéressant, c’est sa capacité à accélérer les phases de recherche ou de prototypage. Là où on pouvait être limité par le temps ou les ressources, on peut aujourd’hui aller plus vite et se concentrer sur ce qui fait la différence : donner du sens, raconter une histoire, créer une expérience qui touche vraiment les gens.
Je crois qu’on doit sortir de l’idée que l’IA remplacera les designers. Elle ne remplacera jamais une sensibilité, une culture ou une vision. Pour moi, c’est un amplificateur. Le vrai enjeu, ce n’est pas de savoir si elle prendra notre place, mais comment on choisit de l’utiliser pour repousser nos propres limites.
Quel message aimerais-tu transmettre à la nouvelle génération de designers qui, comme toi, cherchent à casser les codes et à inventer leur propre voie ?
Ne vous laissez pas enfermer dans une seule discipline. Explorez, testez, mélangez. Faites des erreurs : elles vous apprendront plus que n’importe quel cours. Inspirez-vous de l’art, du digital, de la musique, de l’entrepreneuriat… Tout peut nourrir votre créativité.
Je crois que le futur appartient à ceux qui osent connecter des mondes différents. Casser les codes peut déranger, mais c’est justement là que se trouve votre vraie valeur. Assumez vos différences, transformez-les en force et inventez votre propre langage. Le design de demain sera inclusif, durable et profondément centré sur l’humain.
Conclusion
De ses racines andines à l’univers digital, son parcours raconte une seule chose : le design n’a de valeur que s’il crée du lien. Pour lui, l’avenir du design repose sur la capacité à relier les cultures, simplifier le complexe et enrichir nos vies.