Ancien ministre en charge de l’Économie et des Finances, Michel Sapin sera l’invité de l’émission « Tout est politique » ce mercredi 8 octobre. Au cours de l’échange, il abordera la crise politique qui traverse la France en ce moment.
Cette section restitue une partie de la transcription de l’entretien présent ci-dessus. Pour voir l’intégralité de l’échange, cliquez sur la vidéo.
Michel Sapin, ancien ministre de l’Économie et des Finances, est l’invité de l’émission « Tout est politique » lors de la soirée du mercredi 8 octobre. Il apporte son regard, son savoir-faire et son expérience, dans un contexte politique particulièrement tendu.
Franceinfo : Nous attendons l’intervention de Sébastien Lecornu dans le 20 Heures de France 2. Il pourrait annoncer une pause dans la réforme des retraites, revendiquée par la gauche et les syndicats depuis près de deux ans et demi. C’est Élisabeth Borne, dans Le Parisien, qui a déclaré qu’il ne fallait pas s’accrocher à ce « totem », et que, si cela permet de sortir de l’instabilité politique, il convient de le faire. Serait-ce une erreur grave pour la France de renoncer à cette réforme des retraites ? Vous étiez plutôt favorable, non ?
Michel Sapin : Il faut réaliser des réformes des retraites, mais pas une réforme telle que celle-ci. Tout ce que les syndicats ont pu négocier avec le gouvernement, y compris avec Élisabeth Borne, la CFDT était brièvement prête à accepter une approche de réforme qui semblait peut-être nécessaire. Mais pas celle-là, car toutes les portes avaient été bouclées dans tous les sens et cela devenait inacceptable.
Mais la suspension n’équivaut pas à une abrogation. D’ailleurs, je dis à ceux qui réclament l’abrogation de réfléchir à deux fois, car il est très difficile d’annuler quelque chose qui est déjà en place, alors que des personnes ont déjà retardé d’un an leur départ à la retraite. On ne va pas demander à chacun de revenir d’un an en arrière. En somme, le terme d’abrogation n’est pas adapté. Quant à la suspension, ce n’est pas non plus la fin de la réforme. Cela signifie, et je le juge sage, que ce serait la solution la plus judicieuse politiquement : repousser le sujet au moment où l’on aura un grand débat, ce que tout le monde souhaite, à l’approche des élections présidentielles, lorsque les Français auront à choisir en connaissance de cause. Le moment venu, en 2027 si les élections se tiennent alors, ce sera un vrai choix. La suspension apparaît alors comme une façon, non seulement astucieuse, mais aussi politiquement intelligente, d’essayer de trouver un terrain qui permette de rapprocher les camps.
On parle même de centaines de milliards d’euros d’impact. Est-ce que cela peut encore être assumé ?
Voulez-vous que l’on fasse une comparaison ? De quoi parle-t-on exactement ? On évoque des calculs qui se projetteraient jusqu’en 2035, mais l’enjeu n’est pas 2035, il est 2027. Alors, quel coût jusqu’en 2027 ? On parle de l’ordre de un à deux milliards. Savez-vous quel coût a entraîné pour l’État et pour les entreprises la hausse de 1 point des taux d’intérêt ? Des milliards. Ce qui est insupportable pour l’économie et pour les entreprises, c’est l’incertitude sur l’avenir des marchés et l’orientation économique, qui font grimper les taux et alourdissent considérablement les coûts. La suspension constituerait une solution moins coûteuse et plus raisonnable, et, sur ce point, elle n’est pas la seule condition nécessaire : elle pourrait aussi ouvrir la porte à ce que l’on appelle l’accord de non-contestation.
Et comme tout le monde a évoqué le sujet, on sait qu’Élisabeth Borne a dit, de son côté, qu’elle n’est pas forcément partante elle-même, même si Olivier Dussopt semble y croire. Pourquoi Olivier Faure paraît-il si inquiet d’être dupé, si j’ose dire ?
Il y a deux raisons à cela. Premièrement, il a déjà débattu avec François Bayrou par le passé, et ce qui avait été avancé, même s’il n’avait pas été formellement proclamé à l’époque, n’a pas été concrétisé. Au contraire, l’ouverture des portes sur la question des retraites s’est retrouvée figée ensuite.
Enfin, il est resté fidèle à ses principes. Puisqu’il est l’un des derniers gaullistes encore actifs, son dernier tweet et les réactions qui l’accompagnent en témoignent.
Ceux qui suivent l’actualité savent qu’aujourd’hui, comme hier, l’enjeu est aussi d’obtenir davantage de garanties en matière de signature, si l’on peut dire, afin de valider un accord, même partiel. Et la deuxième raison, c’est que l’on peut penser que M. Lecornu n’était pas en mesure d’assurer que l’engagement serait bien tenu, avait encore du mal à obtenir les contreparties et les compromis qui pourraient suffire à débloquer la situation.
Ça, c’était ce matin.
Je sais qu’il peut y avoir beaucoup de développements entre ce matin et l’instant présent, et que vous êtes sans doute mieux informé que moi, mais je n’ai pas entendu grand-chose de nouveau depuis ce matin. Et il faut aussi prendre en compte un paramètre qui n’est pas anodin : il y a un président de la République en exercice. Le problème pour tout le monde, y compris pour les trois derniers Premiers ministres, est que le président a l’impression que tout le monde a perdu lors des dernières élections législatives, sauf lui. Il semble penser qu’il n’est pas en situation de cohabitation et qu’il restera maître de la parole, y compris sur les nominations ministérielles, comme ce qui s’est produit dimanche et les répercussions qu’il a pu entraîner du côté de LR ou des Socialistes. Il faut donc que le président admette, au fond de lui-même, qu’il est en cohabitation. Dans une cohabitation, il ne prend pas toutes les décisions à la place des autres. « Je porte des responsabilités à l’échelle internationale et en matière de défense, mais pour le reste, ce ne sont pas mes choix qui s’imposent. »
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