Depuis la période qui a suivi la pandémie, l’économie espagnole est entrée dans une phase de croissance soutenue. Cette dynamique est soutenue par le redressement du secteur touristique, par l’augmentation des dépenses des ménages et par les réformes opérées sur le marché du travail. Les points de vue sur l’origine de ce regain divergent: certains évoquent des choix politiques du côté de la gauche, d’autres mettent en avant des mesures associées à la droite, et plusieurs analystes plaident pour l’existence d’un mélange équilibré des deux qui aurait propulsé l’économie.
Ce passage provient d’une portion de la retranscription du reportage mentionné ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour le visionner dans son intégralité.
Un voisin prétend avoir déniché le secret du dynamisme économique : l’Espagne. En France, les avis divergent concernant les causes de ce regain notable de l’économie espagnole.
Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, c’est une réussite cimentée par une orientation politique de gauche : « L’Espagne, par exemple, a privilégié une politique centrée sur la demande. Elle a fortement rehaussé les salaires, en particulier le salaire minimum, qui a connu une hausse marquée ces dernières années. » Mais pour Marion Maréchal, l’Espagne, au contraire, aurait suivi une ligne politique de droite : « 57% des dépenses publiques en France contre 45% en Espagne. Nous vivons dans un pays qui est plus socialiste que l’Espagne, qui est dirigée par des socialistes. »
Alors, qui a raison ? Ce qui est certain, c’est que l’économie espagnole a progressé, soutenue notamment par un secteur touristique florissant, avec une croissance très soutenue après la crise sanitaire: plus de 6% en 2021 et 2022, puis 3,5 % en 2024.
Entre politique de la demande et mesures de droite
Vu de l’étranger, cela prête à rêver. Mais comment interpréter ce phénomène ? S’agit-il d’une approche centrée sur la demande ou d’une logique axée sur l’offre, c’est-à-dire davantage de gauche ou de droite ? Du côté gauche, la mesure emblématique instaurée par le gouvernement socialiste a été l’augmentation du salaire minimum, passé de 736 euros en 2018 à près de 1 200 euros par mois en 2025. Cette élévation a stimulé la consommation des ménages, illustrant une politique de la demande, tout comme un plan de relance européen dans les domaines de l’énergie et des technologies. Une réforme majeure du marché du travail a aussi transformé des contrats précaires en CDI, avec des conditions améliorées.
Cependant, certains aspects de cette réforme s’apparentent à une politique de l’offre, donc plus alignée sur la droite. Elle a encouragé les reconversions professionnelles et favorisé une plus grande flexibilité au sein des entreprises. La réforme des retraites, qui repousse l’âge de départ à 67 ans, a été maintenue. Ces dispositions penchent donc clairement vers une orientation de droite.
Un modèle qui inspire
Le « miracle espagnol » repose donc sur une politique de la demande portée par la gauche, agrémentée de mesures d’inspiration libérale côté droite. Raymond Torres, directeur des analyses macroéconomiques chez Funcas, précise : « Il est vrai que cette dynamique résulte d’un effet de demande, mais il existe aussi des politiques d’offre qui ont joué un rôle important, comme la grande réforme du travail de fin 2021. »
Le boum de l’économie espagnole est en tout cas tangible à plusieurs égards. De quoi inspirer, en France, aussi bien les courants de gauche que ceux de droite.
Parmi nos sources :
Rapports officiels :
- Comptes nationaux annuels de l’Espagne, bilan statistique 2022-2024
- Comptes nationaux trimestriels, 2e trimestre 2025 (INE)
- Croissance en volume, révision statistique 2024 (INE)
- Enquêtes annuelles des salaires (INE)
- Rapports Banco de España sur la consommation
- Rapports de Banco de España sur la dette
- Loi sur le salaire minimum, Ministerio de la presidencia, justicia y relaciones con las cortes
Analyses :
- Rapport du think tank Funcas sur la réforme du travail de 2021
- Raymond Torres, Directeur des analyses macroéconomiques et internationales chez Funcas
- Antonio Madera Del Pozo, Chef économiste d’EthiFinance
- Pedro Antonio Merino García, Chef économiste et directeur du département de recherches de Repsol
Liste non exhaustive