Le scrutin prévu pour les prochaines municipales se tiendra en mars 2026, dans un contexte marqué par une pénurie de vocations, avec plus de 2 000 maires qui ont renoncé à leur mandat depuis 2020. Les maires des zones rurales, particulièrement, manifestent une inquiétude croissante et redoublent d’efforts pour convaincre les jeunes de s’impliquer dans la vie publique locale.
Parmi les visages qui entourent l’âge d’or des cheveux gris et blancs, environ deux cents jeunes déambulent dans les couloirs du congrès des maires ruraux, qui se tient en Vienne, le 26 septembre 2025. Parmi eux se distinguent Gabriel et Mélissa, tous deux dans la vingtaine, qui effectuent un service civique centré sur la culture dans l’Indre.
Pour eux, le contexte n’est pas facile à ignorer: le taux de démissions chez les édiles a atteint un niveau historique, selon une étude du Cevipof pour l’Association des maires de France, et choisir de devenir maire n’apparaît pas comme une vocation particulièrement glamour. Gabriel résume le sentiment: « C’est s’occuper des petits soucis du quotidien des habitants, et parfois des enjeux plus lourds aussi; cela peut être une pression énorme pour un jeune comme moi ». Mélissa acquiesce, en souriant: « Personnellement, je pense que ce sera un refus catégorique. »
À leurs mots répond celui d’un maire qui s’immisce dans la conversation. « J’ai écouté vos échanges et, lorsque l’on est élu, on peut réellement aider les autres. Les gens viennent nous voir, ils nous font confiance. On les oriente vers les bonnes personnes. Être élu d’une petite commune rurale, c’est surtout cela: aider les gens. » Mélissa réplique avec modestie: « Ok, je vais me renseigner un peu plus, merci pour l’échange ».
Un besoin de jeunesse dans les mairies rurales
Sylvain André, dans la quarantaine, pilote Cendras, une commune du Gard d’environ 1 600 habitants. Élu dès l’âge de 25 ans, il déplore le manque d’intérêt des jeunes pour la politique. « Il faut cette énergie de la jeunesse. Cela ferait du bien, et on a du mal à attirer des jeunes dans nos conseils municipaux. Je m’efforce de les approcher, de les convaincre de travailler ensemble. On teste des choses à travers des festivités pour séduire et engager. »
« On a du mal à faire s’inscrire les jeunes dans nos conseils municipaux », déclare Sylvain André, maire de Cendras, dans une prise de parole à 42mag.fr.
Selon une étude de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes, ces cinq dernières années ont vu près de huit communes rurales sur dix lancer des actions d’information et de sensibilisation à l’engagement citoyen.
Une sensibilisation et des soutiens pour se lancer
Mais certains jeunes veulent encore s’engager en politique. Baptiste Pizzato, qui approche des 18 ans, prévoit de s’inscrire sur la liste électorale d’un candidat à la mairie d’Arceau (environ 1 000 habitants), en Côte-d’Or. Son impulse vient de son grand-père, militaire, et de son rôle de porte-drapeau. Il exhibe fièrement sur son téléphone des photos de sa première cérémonie et déclare: « On est parfaitement habillés pour ce moment de respect. Il faut être fier et bien porter. Mon grand-père nous a quittés l’an dernier; chaque fois que je tiens le drapeau, je pense à lui car c’était une vraie fierté pour lui. Tout cela motive aussi ma démarche. »
Pour l’aider dans ce chemin, Baptiste bénéficie du soutien du maire de sa commune. Dans ce contexte, beaucoup estiment qu’il est temps de laisser la main: Chantal Gantch, 72 ans, maire de Savignac de l’Isle en Gironde, annonce qu’elle ne se présentera pas à la prochaine échéance de mars 2026. « Moi, j’ai confiance en la jeunesse. C’est leur société qu’ils construiront demain. Mon heure est venue de se retirer. » Elle affirme vouloir passer le relais et elle est venue avec une « jeune » de son entourage pour 2026. En soutien, elle promeut Céline Goeury, 34 ans, première adjointe dans une petite commune de 350 habitants, en Gironde. « Je me présente en tête de liste à Latresne », précise-t-elle. « Je n’ai jamais été en politique; je n’ai pas de carte. J’ai simplement choisi de rester dans ma commune pour poursuivre mes études à Bordeaux, mes parents étant non loin. On est venu me chercher et, après deux mandats, je suis toujours là… »
Une mission entre passion et équilibre
Malgré les contraintes et les responsabilités qu’impliquent un mandat d’élu, ces jeunes candidats ne baissent pas les bras. Céline Goeury a dû composer avec des compromis qui ne vont pas toujours de soi, notamment en matière de vie privée et de couple. « Quand j’ai accepté la tête de liste, j’étais très motivée, mais il fallait en discuter parce que cela a forcément un impact, même sur le plan matériel. Aujourd’hui, je vis des indemnités et je ne peux pas emprunter. Du coup, acheter une maison peut devenir problématique, mais ce n’est pas pour autant une situation catastrophique. »
« Cela oblige à s’adapter d’une manière un peu différente par rapport à des amis qui n’ont pas ces engagements », remarque Céline, première adjointe dans une petite localité.
Aujourd’hui, Céline affirme tenir le coup grâce à sa passion pour sa mission. Elle s’accorde aussi un week-end par mois, durant lequel elle coupe tout afin de préserver sa vie personnelle.
La question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est précisément au cœur d’une proposition de loi qui doit être examinée par le Sénat cet automne. L’Association des maires ruraux de France pousse pour que le texte soit adopté rapidement, y voyant une porte ouverte pour attirer davantage de candidats lors des municipales prévues en mars 2026.