Les SUV affichent des tarifs supérieurs à ceux des berlines appartenant au même créneau, mais les constructeurs réussissent néanmoins à les vendre en grande quantité, en grande partie grâce à la location longue durée. Une opportunité rentable, surtout pour les concessionnaires et les acteurs du secteur. Extrait d’une enquête diffusée par Cash Investigation.
Depuis une vingtaine d’années, les SUV, ces véhicules utilitaires sportifs, pullulent sur nos routes. En 2024, leurs ventes en France dépassaient les 842 000 exemplaires et, désormais, ils constituent une voiture neuve vendue pour une sur deux. Pourtant, ces modèles affichent, en moyenne, des coûts d’achat et d’utilisation plus élevés que les berlines équivalentes, s’agissant surtout de leur consommation quand ils fonctionnent avec un moteur thermique. Comment les constructeurs parviennent-ils à les écouler aussi massivement ?
La clé réside notamment dans le leasing, ou location avec option d’achat (LOA). Au lieu d’une vente directe, les marques proposent une location longue durée de trois à cinq ans. Chaque mois, le client verse un loyer pour disposer du véhicule et, à l’échéance, il peut soit l’acquérir, soit le rendre à la concession. Sur le long terme, ce schéma peut coûter plus cher qu’un achat pur et simple. Mais alors, comment convaincre les automobilistes ? Pour tenter d’apporter des réponses, l’un des journalistes de Cash investigation – que nous nommerons « Victor » – a effectué un stage dans une concession indépendante travaillant pour Peugeot, marque du groupe Stellantis, en tournage caméra cachée.
Des commissions qui gonflent les revenus des vendeurs
Le point de vente concerné n’appartient pas directement à Peugeot, il est indépendant, mais il applique néanmoins la politique commerciale fixée par la marque. Le stage démarre et l’équipe est composée d’une dizaine de vendeurs qui indiquent percevoir un salaire fixe d’environ 1 000 euros par mois, auquel s’ajoutent des commissions sur chaque vente. L’intérêt du client ne semble pas systématiquement au premier plan, comme l’indique l’un des commerciaux. Quand Victor l’interroge sur sa méthode pour conclure une vente, il répond : « On se fiche des gens ! On demande ce qu’ils veulent, mais après, c’est à toi de mener ton baroud. » Pour orienter les acheteurs, il faut les orienter vers « ce qui paye le mieux », à savoir les leasing, que les commerciaux nomment « financements », car « quand on vend un véhicule avec un financement, ta commission est plus élevée ».
En pratique, dans ce point de vente, une commission sur la vente d’un Peugeot 5008 – le SUV phare de la marque – est de 100 euros. En revanche, si le client opte pour un leasing, la commission monte à 375 euros, soit près de quatre fois plus élevée. En moyenne, les meilleurs vendeurs parviennent à conclure neuf contrats de location par mois, ce qui peut doubler, voire tripler leurs revenus. Il n’est alors guère surprenant de voir les clients être fréquemment orientés vers ce schéma… Démonstration avec les visiteurs venus s’informer : « Pour être franc, en achat comptant ou en crédit, ce sera impossible », lâche l’un des vendeurs, qui les pousse ensuite vers le leasing.
Des clients captifs et des marges conséquentes
Autre avantage pour les concessions, les locations LOA créent des clients captifs. Une employée de la concession en fait l’explication sans équivoque à Victor : « Pour la concession, c’est de la fidélisation. Souvent, les personnes en LOA reviennent chez toi et reprennent un véhicule. Dans trois ans, elles changent de voiture, puisqu’elles sont liées par un contrat de trois ans, alors que, s’ils achetaient, ils dépenseraient 30 000 euros et pourraient garder le véhicule pendant dix ans, ce qui te ferait vendre trois fois moins. Il existe aussi ce cycle LOA qui facilite les renouvellements, ce qui multiplie les bénéfices. »
D’après l’une des salariées, le système de leasing permet aussi à Stellantis d’obtenir une marge plus importante sur le véhicule. Ainsi, selon cette employée, pour un Peugeot 2008, le plus petit SUV de la marque, la marge sur un leasing peut atteindre près de 30 %, contre environ 8 % en moyenne pour un achat comptant, selon les informations récoltées par Cash investigation.
Les équipes de Cash investigation et Elise Lucet n’ont pas reçu de réaction de Peugeot sur ces points.
Extrait de « SUV : le jackpot des constructeurs automobiles », une enquête de Cash investigation à voir le 30 septembre 2025.