Lors de son passage sur le plateau de l’émission « Tout est politique », jeudi 16 octobre, peu après le rejet des deux motions de censure qui ont permis à Sébastien Lecornu de demeurer à Matignon, Clémentine Autain, députée du groupe Ecologiste et Social de la Seine-Saint-Denis, revient sur son vote et sur la décision du PS de ne pas s’associer à l’ensemble de la gauche pour censurer le gouvernement.
Le Parti socialiste paraît désormais isolé, affirme jeudi 16 octobre Clémentine Autain dans l’émission « Tout est politique » sur 42mag.fr. Ancienne députée inscrite chez les insoumis et désormais affiliée au groupe Ecologiste et Social de Seine-Saint-Denis, elle revient sur le choix du PS de ne pas entraver le chemin de Sébastien Lecornu et elle salue la concession faite par l’exécutif concernant la suspension de la réforme des retraites. Quelle orientation la gauche doit-elle adopter ? L’élue répond aux questions de Gilles Bornstein et de Nathalie Saint-Cricq.
Ce texte reprend une partie de la retranscription de l’entretien ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour le visionner en intégralité.
Gilles Bornstein : Clémentine Autain, on constate qu’il n’y a pas eu de censure aujourd’hui ; est-ce que les socialistes ont trahi la classe ouvrière ?
Clémentine Autain : Je n’emploie jamais ce type de terme. J’ai voté comme les communistes, les écologistes, les insoumis et mon mouvement, comme vous l’évoquiez tout à l’heure. Cela montre toutefois que nous sommes les seuls à adopter une ligne différente. C’est ce que signifie l’idée de censure. Oui, il existe un isolement, celui du Parti socialiste, et il faut l’assumer. Pourquoi ai-je voté contre cette censure ? C’est important pour celles et ceux qui nous regardent. D’abord parce que, pour moi, M. Lecornu est illégitime. Il l’est car il porte une direction politique qui a été rejetée par les Français il y a un an et aujourd’hui le soutien à ce pouvoir n’atteint que 14 %, c’est-à-dire très faible, et Emmanuel Macron s’obstine à imposer les mêmes choix.
Si un jour vous êtes élue pour cinq ans et qu’au bout d’un an vous ne conservez que 14 % d’approbation, on vous dira au revoir ?
Excusez-moi, mais il me semble que Macron a déclenché une élection législative. Le scrutin a bien donné un résultat.
Je ne remets pas en cause les résultats, j’interroge le niveau de soutien populaire.
Je ne parle pas uniquement de l’illégitimité du président de la République, mais aussi de celle du Premier ministre, et c’est pourquoi nous avions plaidé pour la cohabitation, c’est‑à‑dire le respect des urnes, même sans majorité claire, alors qu’un bloc est bien sorti en tête. Deuxièmement, j’ai étudié le budget de Lecornu, qui ressemble beaucoup à celui de Bayrou et qui apparaît comme une véritable boucherie sociale, et ce budget ne prépare pas l’avenir. Troisièmement, je ne crois pas qu’on puisse combattre la politique de la Macronie — ce projet politique — sans être clairs dans nos suffrages. Après tout cela, je comprends certains arguments. Le premier est la crainte. La crainte de voir l’extrême droite progresser. Si l’on dissout, on évoque alors l’idée que le vote de la censure mènerait à une dissolution et à un positionnement favorable de l’extrême droite, ce qui est inquiétant. Cette vision ne me convainc pas.
« Rassembler les gauches et les écologistes est la meilleure clé »
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons, je ne partage pas cette approche fondée sur la peur. Déjà, il faut se rappeler que la peur ne résout pas le danger. Ensuite, il faut noter que lorsque les sondages annonçaient l’extrême droite en tête, le résultat ne s’est pas forcément matérialisé comme prévu. Enfin, je refuse de laisser s’installer la colère sociale et l’opposition frontale à Emmanuel Macron et à ses choix, ni à l’extrême droite. Il faut donc éviter les rustines à court terme. Vous connaissez l’histoire des trois petits cochons ? Le problème, c’est que si l’on construit une maison en paille, le loup peut la souffler. Face à l’extrême droite, le véritable rempart doit être solide et non fragile. Pour cela, il faut éviter les solutions de courte durée et prendre en compte la crainte des Français face à la stabilité. Ils en ont ras‑le-bol du spectacle qui se joue au pouvoir en place. Or, nier la nécessité de censure ne va pas arrêter le cirque ni offrir une solution durable, et l’on le constatera lors du budget. D’une certaine manière, on recule en vue d’un saut plus tard.
Est‑ce plus stable avec un gouvernement qu’en l’absence de gouvernement ?
Il y aura toujours un gouvernement. La France ne peut pas être privée de direction politique.
Nathalie Saint-Cricq : Revenons point par point : est-ce que vous pensez que les socialistes agissent de manière malfaisante en jouant le rôle de béquille d’Emmanuel Macron ? Ou bien sont-ils naïfs ? Qu’est-ce qui les motive ? On a tout de même Olivier Faure, avec plusieurs années d’expérience parlementaire, Boris Vallaud aussi, ce sont des gens qui connaissent le métier. Lorsque l’on parle d’entourloupe, pense-t-elle qu’ils se sont fait avoir ou qu’ils y sont allés volontairement par peur de perdre leur siège et de chercher la dissolution ?
Je ne porte pas de jugement sur le choix des socialistes. Je constate que ce choix les isole vis-à-vis de leurs partenaires de gauche. En ce moment où la menace d’extrême droite plane, je reviens à ma propre base solide et à mon rempart solide, qui doit servir de digue face à l’extrême droite. Je suis convaincue que rassembler les gauches et les écologistes, les unir et les tenir ensemble de manière déterminée est la meilleure voie. Bien sûr, on peut avoir des désaccords.
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