Sébastien Lecornu, qui est l’ancien Premier ministre démissionnaire, sera l’invité de Léa Salamé lors du journal télévisé de 20 heures, le mercredi 8 octobre.
Ce texte est une retranscription partielle d’un entretien mentionné ci-dessus. Pour visionner l’intégralité de l’échange, cliquez sur la vidéo.
Léa Salamé : Qui se tient devant nous ce soir ? L’ancien Premier ministre, le prochain Premier ministre, ou bien une figure de médiation ? Qui est-ce exactement ?
Sébastien Lecornu : Le Premier ministre qui a donné sa démission et qui a chargé la remise du document démissionnaire du gouvernement lundi matin. Je mène donc les affaires courantes, car il y a non seulement la sphère politique, mais aussi le fonctionnement de l’État à prendre en compte. D’autant plus que j’assure aussi, temporairement, les affaires du ministère des Armées en tant que ministre démissionnaire, et donc je poursuis la gestion quotidienne de ce ministère.
Il est vrai que ces quarante-huit dernières heures, le chef de l’État m’a demandé de revenir lundi après-midi, estimant qu’au terme des trois semaines passées à travailler avec les divers partenaires politiques, sociaux, syndicaux et patronaux, j’avais acquis un réseau qui pouvait me permettre, en 48 heures, de mener des discussions finales ou des négociations. J’ai bien entendu conscience de l’opinion des Français sur la situation. Le peuple demeure une entité politique majeure, et toutefois il attend de ses dirigeants qu’ils parviennent à s’entendre afin de stabiliser le pays.
Et vous percevez chez eux une forme de tristesse face à ce spectacle, vous le ressentez quand vous les écoutez ?
Je pense qu’il faut être insensible pour ne pas voir que le peuple français, ce grand corps politique, a voté il y a environ un an. Quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur la décision du président de dissoudre, puis de redonner la parole au peuple, cela demeure un acte démocratique. Quant à l’Assemblée, elle reflète les tensions, les divisions et les sensibilités propres à notre société. Si je me montre un peu direct, je dirais même que cette assemblée ressemble davantage au pays que celles qui l’ont précédée. Ce constat oblige la classe politique à adopter une manière de travailler différente.
Comptez-vous rester à Matignon lundi prochain ?
J’ai déposé ma démission lundi matin. Cela montre que je ne poursuis pas un poste à tout prix, même si j’ai accepté de rester dans mes fonctions pendant 48 heures dans des conditions difficiles. Mes effectifs se sont réduits, mais j’ai accepté la mission que le président m’a confiée. À présent, je considère que ma mission touche à sa fin.
Quand peut-on esquisser l’arrivée d’un nouveau Premier ministre ?
La réponse dépendra de ce qui se passe à l’Assemblée nationale et de ce que j’ai résumé au président de la République ce soir, en rendant compte de l’étape que nous venons de franchir.
Alors vous nous direz donc à l’issue de cet entretien si un Premier ministre est sur le point d’être nommé.
Je vous réponds sans détour, car il n’y a pas lieu de faire monter le suspens inutilement. L’essentiel à comprendre, c’est que, fondamentalement, l’Assemblée est fragmentée mais susceptible de trouver des compromis. Après mes échanges ce soir, on peut constater qu’une majorité claire à l’Assemblée nationale refuse la dissolution. Non seulement par crainte de retourner aux urnes, ce qui peut être vrai chez certains, mais surtout parce que de nombreuses personnalités, bien implantées dans leur circonscription, savent qu’une dissolution mènerait au même résultat. Cela conduirait à une impasse qui pourrait s’avérer durable.
Parmi cette majorité qui oppose la dissolution, on distingue plusieurs sous-groupes. D’un côté, une majorité d’ensemble, même si fragile, prête à dialoguer pour adopter un budget commun. D’un autre côté, des partis d’opposition, notamment de gauche, qui veulent une certaine stabilité et un budget pour la France et pour la Sécurité sociale avant la fin de l’année, mais à condition de voir certaines garanties. En somme, il existe encore une voie possible, certes complexe à emprunter. J’ai indiqué au président que les éventualités de dissolution semblent reculer et que la situation pourrait permettre au chef de l’État de nommer un Premier ministre dans les prochaines 48 heures.
Je voudrais néanmoins revenir sur ce qui s’est passé ces trois derniers jours et ce qui a été dit dimanche soir. Lorsque vous aviez été nommé à Matignon, vous aviez promis une rupture majeure, tant sur le fond que sur la forme. Or, dimanche soir, on a entendu le secrétaire général de l’Élysée annoncer le maintien des mêmes ministres qu’auparavant, avec l’entrée de Bruno Le Maire. Était-ce là, pour vous, la grande rupture escomptée par Sébastien Lecornu ?
Si l’on résume de cette façon, on pourrait croire que tout le reste est réglé. Or la réalité est que, pendant trois semaines, j’ai aussi affirmé plusieurs choses. D’abord, il n’y aurait pas de débauchage. Vous avez vu les réactions du premier secrétaire du PS, du PCF et des dirigeants d’Europe Écologie – Les Verts. En bref, nous sommes dans un moment où personne ne souhaite de compromis flous ou non clairs. Malgré tout, il existe une majorité susceptible de gouverner, même si elle est très fragile, fondée sur un socle commun et des oppositions.
Pourquoi avez-vous démissionné ? À cause de Bruno Retailleau ? Parce que vous ne l’aviez pas prévenu ? Ou bien y a-t-il eu une rupture de confiance liée à l’arrivée de Bruno Le Maire au gouvernement ?
Ce n’est pas une affaire personnelle avec Bruno Retailleau. C’est un Ministre de l’Intérieur qui a servi son pays avec courage pendant une année, qui est animé par des convictions fortes. Et puis, il faut aussi rappeler l’histoire telle qu’elle est. Les Républicains n’ont jamais proclamé qu’ils s’étaient transformés en macronistes. Ils sont venus soutenir d’autres forces politiques.
Alors que s’est-il réellement passé ? Vous avez dit oui, puis il a dit non ?
Je suis avant tout un militant. J’ai été maire, président de conseil départemental, sénateur. J’ai commencé très jeune en collant des affiches. Les partis politiques forment le tissu de la vie démocratique. Aujourd’hui, peu importe les partis, chacun me semble traversé par une certaine sédimentation qui manque peut-être un peu de vie et de souplesse.
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