Dans un climat politique particulièrement instable, l’ancienne chef du gouvernement Élisabeth Borne a laissé entendre la possibilité de mettre en pause le projet de réforme des retraites, réforme qui alimente les crispations et les tensions.
La question de savoir si la mise en pause de la réforme des retraites fera partie de l’accord pour former un nouveau gouvernement se pose à nouveau. En application depuis 2023, cette réforme retarde progressivement l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Le Premier ministre sortant, Sébastien Lecornu, mandaté par Emmanuel Macron pour conduire des discussions jusqu’au mercredi 8 octobre au soir, a demandé au ministère des Finances d’estimer le coût d’une suspension de cette réforme, évoquée par Élisabeth Borne. La gauche en réclame une, mais, à droite, ce serait une « ligne rouge » pour Les Républicains. Quels sont les avis de ceux qui approchent de la retraite ?
Pour Denis, la suspension de la réforme est totalement « pour ». « Moi, j’aimerais partir plus tôt », affirme ce cadre technique réunissant ses collègues dans une grande salle parisienne. Âgé presque de 58 ans, il lui resterait encore près de quatre années de travail avant sa liquidation de droits. « Je me suis renseigné il n’y a pas longtemps, normalement, c’est 61 ans et huit mois, mais j’ai commencé à travailler dès l’âge de seize ans », précise-t-il. « À l’origine, lorsque j’ai signé, la retraite était fixée à 55 ans. Donc, vous voyez, notre secteur porte une lourde charge. Notre corps finit par flancher après une vie entière de travail, avec une carrière qui peut dépasser les quarante ans », explique le futur retraité qui avait déjà pris part aux mobilisations contre la réforme en 2023.
« Bien sûr, j’avais fait des manifestations, je pensais que 62 ans, c’était déjà bien. 64, c’est beaucoup. »
Denis, travailleur de 58 ansà 42mag.fr
Un peu plus loin, Abdelkader dégage de lourds cartons dans son camion. Lui, il a franchi les 64 ans. « J’ai 65 ans, je travaille encore parce que je n’ai pas commencé tôt, comme je suis un immigré. Par rapport à la loi, je bosserai jusqu’à 67 ans », explique-t-il, ce qui était déjà inscrit dans les textes avant la réforme actuelle. « Je suis chauffeur livreur, c’est pénible, » poursuit-il. « En plus, je commence la nuit à 3 heures du matin. » Malgré cette pénibilité, il ne peut pas partir plus tôt, « j’aimerais bien moi, j’en ai assez. » Pour lui, la possible suspension de la réforme des retraites de 2023, qui figure dans les discussions politiques, « serait une très bonne idée, je suis pour, mais on ne sait rien pour l’instant. Le gouvernement est suspendu, il y a un président, mais il est loin. Pour les aspirations des travailleurs, il n’est pas avec nous, c’est ça le vrai problème. » Abdelkader appelle donc à une suspension du texte.
Transformer le débat sans nécessairement suspendre
À l’inverse, Isabelle, 58 ans, réagit contre cette option. Employée dans un cabinet de conseil, elle se dit néanmoins être une « perdante » de la réforme : « Ma retraite, il faut que j’attende d’avoir 63 ans, alors que j’ai, depuis un an, tous mes trimestres acquis. » Avant la réforme, elle aurait pu prendre sa retraite à 62 ans. « Je pense qu’il y a des points à rediscuter sans obligatoirement la suspendre. Une suspension, je n’y crois pas, car il faut que chacun prenne conscience des efforts à consentir et du fait qu’il faudra travailler davantage plus tard, parce que l’espérance de vie s’allonge. L’objectif, c’est d’examiner surtout la situation des femmes, car elles sont particulièrement concernées. », affirme-t-elle.
Pour elle, le gouvernement à venir et le parlement devraient plutôt intégrer les propositions formulées par les syndicats lors du rassemblement sur les retraites, notamment celle visant à revaloriser les pensions des mères de famille.