Bernard-Henri Lévy, écrivain et philosophe, était l’invité de 42mag.fr dans l’émission « Tout est politique » ce mercredi 12 novembre. Il a notamment discuté de la libération de Boualem Sansal, le Franco-Algérien qui avait été emprisonné par Alger pendant près d’un an.
Ce segment réassemble une partie de la retranscription de l’entretien évoqué plus haut. Pour visionner l’intégralité, cliquez sur la vidéo.
France Télévisions : On n’a pas souvent l’occasion de se réjouir dans le cadre d’émissions d’information. Là, c’est une exception. Il s’agit de la libération de Boualem Sansal, qui se dirige vers Berlin (Allemagne) et dont l’arrivée est attendue ce soir-là après douze mois de détention à Alger. Quelle est votre réaction ?
Bernard-Henri Lévy, écrivain et philosophe : Bien sûr, ma joie est immense. Cependant, il faut aussi garder à l’esprit un point grave et potentiellement irréversible : cet homme a passé une année entière derrière les barreaux, sans raison valable, dans des conditions déplorables. Il a été emprisonné pendant une année entière parce qu’il avait prononcé des paroles qui n’ont pas plu au président algérien. Il a vécu 360 jours dans une geôle. Et cela constitue une honte. Heureusement qu’il a pu sortir. Ces 360 jours ont été trop longs et je suppose que la blessure, tant mentale que physique, pourrait être irréparable.
France Télévisions : Pourquoi est-ce que ce sont les Allemands qui ont réussi à obtenir sa libération ? Est-ce dû à leurs bons rapports avec l’Algérie ou à des rapports supérieurs aux nôtres, ou alors est-ce que nous avons commis un faux pas ? En clair, une diplomatie qui se montre un peu agressive et publique.
Bernard-Henri Lévy : La différence entre la diplomatie en coulisses et celle affichée publiquement n’est pas nécessairement efficace à mes yeux. Il est pertinent de mener aussi une diplomatie publique. Cela fait un an que nous avons pleinement interpellé le pouvoir algérien et que nous avons rappelé nos principes. Si nous ne l’avions pas fait, Boualem Sansal aurait sans doute été oublié, enseveli dans l’oubli de sa détention, et il ne serait pas aujourd’hui libre. Il fallait mener les deux volets et peut-être même répartir le travail entre les deux pays : la France a insisté sur les principes, l’Allemagne a peut-être apporté l’impulsion finale. Le président algérien a fini par céder, il a libéré Boualem Sansal probablement parce qu’il venait à manquer de prudence vis-à-vis d’une partie de la communauté internationale démocratique.
France Télévisions : Deux axes semblaient coexister. D’un côté, celui de l’Élysée, axé sur le dialogue, le calme et le respect — des termes que reprise Emmanuel Macron le 12 novembre — et, de l’autre, une ligne de fermeté incarnée par Bruno Retailleau. Il me semble que vous étiez plutôt en faveur de cette dernière, non ? N’était-ce pas un échec pour cette approche ferme prônée par l’ancien ministre de l’Intérieur, surtout à la veille de la libération survenue un peu moins d’un mois après son départ du poste à Beauvau ?
Bernard-Henri Lévy : Je ne me rappelle pas vous avoir dit adhérer à Bruno Retailleau. Votre mémoire peut être plus affûtée que la mienne à cet égard. En revanche, dans ce type d’affaire marquée par une prise d’otage, Boualem Sansal n’était pas seulement détenu : il était pris en otage. Il faut agir sur deux fronts simultanément : nommer les auteurs et les exhiber publiquement — comme vous le faites, avec le décompte des jours et les mentions à l’écran — et, en parallèle, dialoguer. Les preneurs d’otages sont des extrémistes totalement instables, qui ne relèvent pas d’un cadre normal. Face à un régime comme celui‑ci, il faut déployer les deux approches : attirer l’attention et mener des discussions diplomatiques.







