Les dirigeants de LFI et du RN estiment que le PS et LR ont trahi leurs convictions en dialoguant avec le gouvernement sur le budget, relançant ainsi le vieux procès les présentant comme une « fausse gauche » et une « fausse droite ».
Sur le projet de loi de finances, tout comme sur le budget dédié à la sécurité sociale et la réforme des retraites, Sébastien Lecornu, le PS et LR poursuivent leurs discussions mardi 4 novembre, alimentant les réactions furieuses de la France insoumise et du Rassemblement national. À chacun son traître ! D’un côté, des socialistes décrits par les insoumis comme des figures « humiliées », martyrisées et loin d’être libérés… mais plutôt enfermés dans une soumission à Emmanuel Macron ! De l’autre, des Républicains caricaturés par le RN comme des « béquilles du macronisme » ! Jean-Luc Mélenchon reproche à la direction du PS, « à la dérive », son intention présumée de bâtir « une grande coalition avec le bloc central et la droite » pour satisfaire « son électorat de petits bourgeois ». Et Marine Le Pen déplore la « grande trouille » de la droite qui abrite Lecornu par crainte d’un nouveau vote. Bref, les « sociaux-traîtres » pour certains, la « fausse droite » pour d’autres : Mélenchon et Le Pen se retrouvent dans le même lexique de la trahison.
Ce n’est pas une nouveauté : ce vocabulaire reflète la nature même de ces mouvements extrêmes qui veulent se présenter comme intransigeants et qui tentent d’imposer une pression morale sur leurs camps respectifs. S’ils dénoncent une « fausse gauche » et une « fausse droite », c’est qu’ils se considèrent comme les véritables porte-drapeaux du vrai camp opposé au système. Rien de révolutionnaire depuis Lénine, qui popularisa l’insulte « traître social » pour viser les socialistes rall iés à l’« Union sacrée » durant la Première Guerre mondiale… et depuis Jean‑Marie Le Pen, qui a reproché pendant quarante ans la « mollesse » de la « fausse droite » au service du « système ».
Le compromis ou le blocage
LFI et le RN restent attachés à une sorte de pureté idéologique, s’opposant aux concessions que consentent les socialistes et les Républicains. « Y avait-il des lentilles au menu ? » telle est la pique lancée par Manuel Bompard, coordinateur des Insoumis, après avoir appris que Olivier Faure et Boris Vallaud avaient déjeuné le vendredi 31 octobre à Matignon. Marine Le Pen dénonce, quant à elle, la « tambouille » et les « tractations de couloir » des LR à l’Assemblée pour négocier le budget avec Sébastien Lecornu, oubliant au passage qu’elle-même avait procédé de la même manière l’an dernier avec Michel Barnier. Mais désormais, discuter, c’est déjà trahir ; dialoguer, se renier.
L’enjeu est crucial : soit cette Assemblée dépourvue de majorité et sans recours au 49.3 parvient à un compromis et ouvre une nouvelle page de la démocratie parlementaire ; soit elle échoue et le blocage accélérera des échéances électorales — législatives ou présidentielles — dont rêvent l’extrême droite et les Insoumis. Un enjeu qui pousse aussi parfois le bloc central, le PS et la droite à adopter le même registre lexical, en accusant le RN et la LFI de trahir leurs électeurs en voulant précipiter le chaos. Décidément, à chacun son traître !







