Rendez-vous emblématique pour les amateurs et amatrices de jeux vidéo, la Paris Games Week s’installe à Paris, sur le site de la Porte de Versailles, et se prolonge jusqu’au 2 novembre. Cette édition ne se limite pas à réunir les passionné(e)s: elle illustre une évolution constatée, chiffres à l’appui, selon laquelle en 2025 les femmes occupent une place pleinement affirmée et majeure dans cet univers. Ainsi, loin d’être reléguées à un rôle secondaire, elles constituent désormais une composante centrale de l’événement et de la scène ludique qui l’entoure.
À l’entrée de la Paris Games Week, sous une averse, une fillette de onze ans, passionnée par Animal Crossing, emblème tout mignon de Nintendo devenu phénomène international, attend patiemment que les grilles s’ouvrent. Depuis qu’elle a huit ans, elle n’a jamais quitté sa manette, soutenue par son père, un joueur averti et enthousiaste.
Lorsque elle se met à jouer, elle raconte ressentir comme une immersion dans un univers parallèle où tout semble possible, comme si tout devenait envisageable. Cette jeune joueuse vient d’ailleurs corroborer les chiffres avancés par le SELL, le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, qui organise le salon et publie une nouvelle étude cette année. Selon ses calculs, près de la moitié des adeptes de jeux vidéo en France sont des femmes, et ce taux grimpe à plus de la moitié chez les 16–30 ans, soit la fameuse génération Z.
Le père, âgé de 48 ans, écoute avec attention et n’est pas surpris par cette donnée. « Avec l’avènement des smartphones, énormément de femmes s’adonnent au jeu sur mobile ; j’en connais même une qui joue régulièrement à des petites applications ludiques sur son téléphone », remarque-t-il. La petite joueuse relance le débat en évoquant la princesse Peach, souvent sauvée par Mario dans les jeux qui portent son nom, et pose une question pleine de bon sens qui remet en cause les clichés: « Pourquoi serait-ce toujours le garçon qui sauve la fille ? »
Les femmes ont leur place au sein de cette industrie
Dans les allées du vaste pavillon, de nombreuses femmes et filles se faufilent pour tester les dernières nouveautés, et le délégué général du SELL, ainsi que directeur du salon, Nicolas Vignolles, s’en réjouit. Il rappelle qu’il y a un quart de siècle, la part des joueuses en France était bien inférieure et ne dépassait pas les 10 %.
Au milieu ou près des stands, on peut aussi trouver l’association Woman in Games, qui a pour objectif d’encourager les femmes à occuper des postes clés dans l’industrie du jeu vidéo. Elles ne représenteraient encore qu’environ un cinquième des effectifs, selon l’organisation, mais les signes positifs existent. « Ce sont des développeuses, des créatrices, des game designers et des sound designers; elles travaillent au cœur des métiers du jeu et cela montre que les femmes ont trouvé leur place dans ce secteur », affirme Justine Boulanger, la secrétaire générale.
J’avais des machos sur mon chemin
Kayane, véritable icône de l’esport et championne du titre Street Fighter IV, est présente à la Paris Games Week. Elle évolue comme joueuse professionnelle de jeux de combat et anime aussi la chaîne Game One. Elle entame la compétition dès son plus jeune âge, à neuf ans, et figure dans le Guinness Book des records pour l’ensemble des podiums obtenus dans des tournois féminins depuis le début de sa carrière, un palmarès qui inspire bien des jeunes filles.
Elle avoue toutefois que les débuts n’ont pas été simples: « J’ai croisé des attitudes masculines fermées qui avaient du mal à accepter qu’une fille de dix ans puisse les battre sur un jeu de combat », confie-t-elle. Elle mesure aujourd’hui le chemin parcouru. « On a dû construire notre place nous-mêmes, nous battre au quotidien, car les réflexions misogynes et sexistes ne manquent pas », témoigne-t-elle. Même si son succès la protège partiellement des critiques directes, elle demeure témoin des comportements hostiles envers de nouvelles joueuses, des streameuses et des youtubeuses qui s’imposent dans le milieu.
« Je me retrouve souvent à affronter des adversaires qui ne reconnaissent pas leur propre impuissance et ne remettent jamais en question leur statut ».
Kayane, championne internationale de jeux de combat42mag.fr
Kayane attire aussi l’attention sur le harcèlement présent sur des plateformes comme Twitch ou YouTube. Malgré les obstacles, elle perçoit des signaux positifs et adresse un message clair aux jeunes filles hésitantes à se lancer: « Laissez parler votre passion et vos talents, n’accueillez pas le syndrome de l’imposteur. Écoutez cette petite voix qui dit en vous: pourquoi pas toi aussi ? »







