Sur la chaîne France 5, une série documentaire s’attache au décès de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, et explore les circonstances entourant ce drame ainsi que ses répercussions, notamment une flambée de violences qui a touché les banlieues françaises.
Le 27 octobre 2005, Bouna Traoré, 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans, deux collégiens originaires de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), trouvent la mort après avoir cherché refuge dans l’enceinte d’un transformateur électrique pour échapper à des policiers. Leur camarade Muhittin Altun, 17 ans, qui les accompagnait, est gravement blessé. Suite à ce drame, et pendant trois semaines, des émeutes d’une ampleur inhabituellement forte éclatent dans près de 300 communes du pays. Le gouvernement dirigé par Dominique de Villepin instaure l’état d’urgence, une mesure inédite depuis la période de la guerre d’Algérie.
Une série documentaire en trois volets, intitulée 2005 : état d’urgence, réalisée par Marie-Pierre Jaury et diffusée sur France 5 le dimanche 23 novembre à 21h05, retrace la chronologie des événements qui ont mené à cette tragédie et à l’embrasement qui a suivi. Le film s’appuie également sur les témoignages des proches des victimes, de responsables politiques, de policiers et d’autres observateurs de premier plan pour interroger les mensonges qui ont déclenché les violences dans de nombreuses banlieues.
Une colère hors de contrôle
Ce jour d’octobre 2005, après avoir disputé une partie de football à Livry-Gargan, ville voisine de Clichy-sous-Bois, Zyed et Bouna rentrent à pied chez eux avec des amis. En passant près d’un chantier barré par des palissades, le ballon tombe à l’intérieur. Pour le récupérer, certains des jeunes escaladent les barricades. Un employé d’une entreprise voisine appelle les secours, convaincu que les adolescents ont l’intention de dérober quelque chose. Les policiers se rendent rapidement sur les lieux et entrent eux aussi sur le chantier afin d’interpeller les jeunes.
Fuyant par peur, les jeunes se dispersent et se réfugient sur un site EDF. Aux abords du transformateur, ils ignorent le danger et s’y cachent. Quelques minutes plus tard, une décharge électrique de plusieurs milliers de volts les tue sur le coup. Muhittin, brûlé et choqué, réussit à regagner son quartier et à prévenir les secours. La puissance de l’accident provoque une coupure d’électricité dans tout le pâté de maisons.
La stupeur s’empare de tout le village, mais le quartier du Chêne pointu, d’où provinrent les jeunes, est tout particulièrement touché. « Quand on a sorti les deux corps, beaucoup de gens ont commencé à pleurer et à exprimer leur colère envers la police », se souvient Fiston Kabunda Ndeke, ami des Traoré, qui était présent sur les lieux et a ensuite pris part aux violences. « La police nous a demandé de partir. On est partis avec des pensées de vengeance… Trop de colère. »
Les démentis des autorités
Des émeutes violentes éclatent dès le soir même dans les cités de Clichy-sous-Bois. Des voitures de police, des camions de pompiers, des abribus et des vitrines sont attaqués, la mairie, la caserne des pompiers et le commissariat font l’objet de violences, une école maternelle est saccagée et un véhicule des forces de l’ordre essuie une salve de balles réelles. « Zyed et Bouna étaient trop jeunes, en fait. Et c’est ça qui nous a le plus heurtés », déplore Fiston Kabunda Ndeke.
Immédiatement, deux versions contradictoires des faits prennent forme. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et François Molins, procureur de Bobigny, déclarent à la télévision que les adolescents n’étaient pas poursuivis par les forces de l’ordre, reprenant en partie ce que certains témoins avaient relaté.
« C’est faux. Une nouvelle fois, on va faire porter le chapeau aux jeunes. Alors que ce que j’ai vu moi, c’est qu’effectivement la police s’est organisée pour attraper ces jeunes. »
Pierre Chétif, habitant de Clichy-sous-Bois, voisin du site EDFDans le documentaire « 2005 : état d’urgence »
Les dénégations des autorités policières et judiciaires enveniment encore la situation et déclenchent une seconde nuit de violences à Clichy-sous-Bois, alimentées par le dédain affiché envers les adolescents, présentés à tort comme de simples délinquants.
En 2005, Dominique de Villepin est à la tête du gouvernement au sein du mandat de Jacques Chirac. Il témoigne dans le film. « Le lendemain du drame, lorsque je m’exprime, raconte l’ancien Premier ministre, j’agis sur le renseignement qui m’est transmis par le ministère de l’Intérieur, et en utilisant des mots les moins accusateurs possibles. L’histoire montrera que ces mots n’avaient pas de réalité, puisqu’il n’y a pas eu de cambriolage. »
La situation s’embrase et met en lumière les tensions profondes qui traversent les banlieues depuis des années, exacerbées par une politique sécuritaire perçue comme distante et répressive.
La série 2005 : état d’urgence, réalisée par Marie-Pierre Jaury, est diffusée le dimanche 23 novembre à 21h05 sur France 5 et est disponible sur la plateforme france.tv.







