Le maire de Leucate, situé dans l’Aude, a obtenu l’approbation d’une dotation de frais de représentation pouvant atteindre 20 000 euros, une enveloppe comparable à celle accordée à la maire de Paris. Pourquoi une telle somme et à quelles fins sera-t-elle utilisée ? L’Œil du 20 Heures a mené l’enquête.
Ce passage illustre une portion de la retranscription du reportage mentionné ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la visionner dans son intégralité.
À l’approche des élections municipales, l’un des sujets qui peut particulièrement irriter les élus demeure leur enveloppe de frais remboursables. Lors du salon des maires, les personnes rencontrées par l’équipe de l’Œil du 20 Heures apparaissent plutôt mesurées. « Je suis maire depuis trois ans. J’estime mes frais de représentation autour de deux à trois centaines d’euros », affirme Cédric Caremelle, le maire (PS) de Lomme (Nord). « Je n’ai ni frais, ni repas, ni taxi à payer. Je les règle moi-même », répond de son côté Jean Leonetti, le maire (LR) d’Antibes (Alpes-Maritimes).
Mais certains comptes semblent beaucoup plus généreux. Leucate (Aude), petite commune balayant la Méditerranée avec 4 500 habitants sur l’année et 80 000 en pleine saison estivale, accorde au maire (DVD) Michel Py une marge de manœuvre financière nettement plus large.
En 2024, 15 000 euros destinés aux frais de représentation
L’édile de droite est une figure locale bien établie. Depuis 1995, il est réélu sans interruption à chaque scrutin municipal. Il n’hésite pas à se mettre en scène, jusqu’à signer des vœux 2020 avec une touche façon James Bond. Lorsqu’on parle de ses notes de frais, Michel Py demeure aussi énigmatique que l’agent 007. Le conseil municipal lui octroie une enveloppe destinée à ses frais de représentation : 20 000 euros en 2019, 10 000 euros en 2021, puis 15 000 euros pour 2024. Pour comparaison, à Paris, qui compte deux millions d’habitants, le maire perçoit une enveloppe avoisinant les 20 000 euros, hors déplacements. Michel Py reçoit cet argent sur un compte personnel et l’utilise sans produire de justificatifs.
Cette pratique est considérée comme parfaitement légale, car la loi n’impose aucun plafond. Toutefois, ces montants importants ont suscité la curiosité chez les élus d’opposition. « Moi, j’ai tout de suite sauté au plafond en voyant qu’on versait 20 000 euros sur un compte privé sans aucune pièce justificative », raconte Marie-France Barthet, conseillère municipale (DVG) à Leucate. Depuis des années, ses adversaires politiques réclament les justificatifs à plusieurs reprises. Après plusieurs refus, ils ont engagé une procédure administrative via l’association Anticor, dont Marie-France Barthet est membre. Mais la démarche a stagné lorsque le maire a répondu que « les documents mentionnés, c’est-à-dire les reçus, justificatifs, factures et notes, n’existent pas », confirme-t-elle.
Anticor a déposé plainte
Le maire a toutefois transmis une partie de ses relevés bancaires pour les années 2018-2019. Ses opposants ont découvert de nombreux déplacements à Paris, ainsi qu’une nuit passée dans un hôtel de grand standing. « On dénombre un séjour au Sofitel à Paris, près de l’Arc de Triomphe, pour 473,80 euros. Quand on voit l’agence de voyage, 657 euros. Mais où est parti cet argent ? On ne comprend pas très bien », déplorent-ils.
Suite à cela, l’association Anticor a porté plainte et évoque un possible détournement de fonds publics. Que répond le maire à ces accusations ? Il a refusé les demandes d’interview accordées à l’Oeil du 20 Heures. Michel Py affirme, par écrit, qu’il a bien conservé ses justificatifs mais refuse de les communiquer à Anticor. « Le maire de Leucate tient une comptabilité personnelle distincte. La loi n’accorde aucun droit de contrôle à Anticor et il est hors de question de se soumettre volontairement à un organisme politiquement piloté », soutient-il.
Michel Py précise en outre que, dès 2025, le montant global de ses frais de représentation est passé à 3 000 euros et que ses déplacements — qui représenteraient à lui seul l’essentiel de ces dépenses — seront dorénavant comptabilisés séparément.







