Dans ce volet parallèle à l’affaire principale, Nicolas Sarkozy se voit infliger deux mises en examen, tout comme sa épouse, Carla Bruni. Ils sont notamment soupçonnés d’être impliqués dans un recel lié à la subornation de témoin, en l’occurrence Ziad Takkiedine, qui a été le principal accusateur de l’ancien président dans le dossier libyen et qui est décédé il y a un mois.
« Les proches des 170 victimes du DC-10, touchés par le préjudice lié au jugement rendu le 25 septembre, se retrouvent écrasés par le flot médiatique entourant Nicolas Sarkozy, ce qui les plonge dans une solitude écrasante. » Un silence rapide suit, puis Danièle Klein reprend sa lutte tenace pour la justice. Son frère Jean-Pierre était présent à bord du DC-10 opéré par la compagnie UTA, vol 772, qui avait explosé au-dessus du désert du Ténéré le 19 septembre 1989.
Pour cet attentat, supposément ordonné par le régime libyen du colonel Mouammar Kadhafi, six responsables libyens ont été condamnés par contumace à la réclusion à perpétuité en 1999 par la justice française. Parmi eux figure Abdallah Senoussi, alors chef des services secrets sous Kadhafi. Or, la condamnation récente de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs, dont il a interjeté appel, s’appuie en partie sur des rendez-vous en 2005 entre Claude Guéant, Brice Hortefeux et ce même Abdallah Senoussi.
Cette affaire de soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, qui conduit aujourd’hui Nicolas Sarkozy à dormir en détention, est une affaire que Danièle Klein connaît sur le bout des doigts. Avec 94 autres proches des victimes de l’attentat, elle s’est constituée partie civile lors du procès. « Nous avons été extrêmement impliqués au quotidien, présents à toutes les audiences entre janvier et avril » explique-t-elle.
Le tribunal correctionnel de Paris a reconnu leur préjudice et leur a attribué une réparation financière. Toutefois, ce feuilleton judiciaire n’est pas clos. Pour l’ancien chef de l’État, mais aussi pour les familles des victimes du DC-10, des révélations dans la presse ont montré l’existence d’une éventuelle tentative d’instrumentalisation des médias et des juges, en marge du dossier libyen.
« Comme la suite d’une série télévisée »
Danièle Klein et Yohanna Brette, fille d’une hôtesse de l’air du vol 772, ont, par l’intermédiaire de leurs conseils, déposé lundi 20 octobre une demande de constitution de partie civile auprès des deux juges d’instruction chargés de ce second volet : l’éventuelle subordination du témoin Ziad Takieddine. Un dossier que certains des impliqués ont eux-mêmes baptisé Opération « Sauver Sarko ».
Ziad Takieddine, figure controversée et médiateur franco-libanais impliqué dans l’affaire libyenne, a longtemps soutenu que Nicolas Sarkozy avait reçu une partie de ses financements pour la campagne présidentielle de 2007 de la part du colonel Kadhafi. Mais en novembre 2020, surprise: il s’est brusquement rétracté, d’abord devant plusieurs médias, puis officiellement dans un acte notarié déposé auprès de la justice française. L’accusateur versatile est revenu à ses accusations initiales contre l’ancien président quelques semaines plus tard. Il est décédé au Liban le 23 septembre dernier, à quelques jours du jugement.
Une enquête ouverte en 2021 s’interroge sur l’existence d’une vaste manipulation destinée à blanchir l’ancien chef d’État. La justice soupçonne aujourd’hui qu’une dizaine de personnes aient tenté d’influer sur ce témoin clé, en faisant miroiter des promesses financières gigantesques. Nicolas Sarkozy et son épouse, Carla Bruni, sont eux-mêmes mis en examen pour recel de subornation de témoin et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’escroqueries au jugement en bande organisée dans le cadre de cette affaire. Tous deux ont fait appel de cette décision devant la chambre d’instruction. Ils se déclarent totalement étrangers à cette histoire et aux faits qui leur sont reprochés. Les conseils de l’ancien président estiment que le témoignage de Ziad Takieddine manque de crédibilité.
Une autre personnalité est également poursuivie dans ce volet: Michèle Marchand, figure de la presse people et amie proche de l’ancienne top-modèle. « Mimi » Marchand a affirmé devant les juges que son intérêt n’était pas de rendre service à Sarkozy, mais d’obtenir un scoop.
« Ni dans la haine ni dans la vengeance »
« C’est comme la suite d’une série télé, c’est complètement fou », déplore, désabusée, Danièle Klein. « Nous n’aurions jamais cru que des personnes puissent aller jusqu’au Liban pour tenter d’influencer potentiellement Ziad Takieddine; c’est profondément choquant. » Pour les familles des victimes, se constituer partie civile dans ce second volet ne vise nullement à nourrir une quelconque vengeance contre Nicolas Sarkozy. « Nous ne sommes ni dans la haine ni dans la vengeance, ni dans une démarche motivée par l’argent. Notre démarche est simplement guidée par la recherche de vérité, une quête exigeante dans un dossier aussi complexe et nuancé que celui-ci », précise Danièle Klein.
Selon ses avocats, Laure Heinich et Vincent Ollivier, cette « affaire dans l’affaire » libyenne est d’une gravité extrême. « Si les faits sont établis, cela révélerait un mépris total envers l’institution judiciaire. Serait-on prêt à tout pour orienter la vérité ? Cela rappelle les enjeux évoqués entre la condamnation et l’emprisonnement de Sarkozy. »
En février, après quatre années d’enquête, les juges ont clos leurs investigations sur cette affaire secondaire associée au dossier libyen. Le Parquet National Financier (PNF) est désormais appelé à émettre ses réquisitions définitives et à décider s’il convient ou non de tenir un procès. Dans l’affirmative, Nicolas Sarkozy et Carla Bruni pourraient être amenés à s’expliquer devant le tribunal sur leur éventuelle implication dans ce volet.







