À partir de vendredi, les députés entameront l’examen du projet de loi de finances dans l’hémicycle. Le vote prévu pour le 4 novembre représentera une première grande épreuve pour Sébastien Lecornu.
Ce premier week-end s’annonce comme un signal fort pour l’Assemblée nationale en ce qui concerne le budget 2026. À partir du vendredi 24 octobre, les députés vont se pencher, dans l’hémicycle, sur la section recettes du projet de loi de finances pour l’année prochaine. Le débat promet d’être électrique, le texte ayant été repoussé en commission. Voici un tour d’horizon des principaux sujet de friction autour d’un texte qui peut bien mettre en jeu la survie politique du gouvernement dirigé par Sébastien Lecornu.
La taxe Zucman
Du côté des socialistes, on voit en cette mesure une draisienne potentielle de conflit politique. Baptisée d’après l’économiste Gabriel Zucman, cette disposition viserait à imposer une contribution minimale de 2% sur le patrimoine lorsque celui-ci dépasse les 100 millions d’euros. Environ 1 800 ménages seraient concernés, et les députés du PS estiment que cela permettrait à l’État de récupérer jusqu’à 15 milliards d’euros.
Dans un entretien accordé au Parisien, Boris Vallaud, chef du groupe socialiste, affirme qu’appliquer ce dispositif serait l’un des critères déterminants pour juger de la capacité du gouvernement à faire preuve de justice fiscale. « S’il n’est pas capable de justice fiscale, je ne suis pas certain que l’on puisse discuter de l’avenir », prévient-il, se réservant « la possibilité d’agir en tant que sanction à tout moment ».
Tout comme en commission, où la mesure a été rejetée, elle va devoir négocier avec l’extrême droite et les soutiens du gouvernement qui refusent d’alourdir l’imposition des biens professionnels. « Oui à la justice fiscale, non à la surenchère fiscale », a lancé Roland Lescure, ministre de l’Économie, lors de sa participation jeudi au journal télévisé de France 2.
La taxation des holdings
Cette mesure constitue la réponse du gouvernement à la proposition Zucman : il s’agit désormais de viser le patrimoine financier des holdings patrimoniales détenant au moins cinq millions d’euros d’actifs, parfois utilisées pour contourner l’imposition. Environ 10 000 contribuables seraient concernés, et l’objectif du gouvernement est de lever environ un milliard d’euros.
Cette taxe reçoit des critiques même au sein de la majorité, les socialistes avançant qu’il existe trop de voies pour la contourner et que les retombées économiques restent incertaines et relativement modestes.
Les divers impôts sur la fortune proposés
Les formations de gauche avancent une série de propositions fiscales ciblant les patrimoines les plus importants. Elles défendront notamment l’ISF climatique soutenu par les écologistes, tandis que les socialistes plaident pour un « ISF sur les milliardaires », inspiré de l’esprit de Zucman mais ajusté pour répondre à certaines objections rencontrées par le camp présidentiel.
Du côté du Rassemblement National, qui a présenté un contre-budget jeudi, l’idée est de remplacer l’actuel impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune financière, en excluant les biens professionnels.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu
Selon le gouvernement, les tranches du barème de l’impôt sur le revenu ne seront pas revalorisées par rapport à l’inflation. Cela conduit à l’arrivée d’environ 200 000 « nouveaux entrants » dans l’impôt, selon Bercy, et certains ménages s’en trouveront à payer davantage. En commission, la première tranche a été exclue du dispositif, et les Républicains réclament, quant à eux, la suppression pure et simple de cette mesure.
Les modifications de l’abattement forfaitaire pour les retraités
Le projet de loi prévoit de remplacer l’abattement de 10% dont bénéficient les retraités sur leurs pensions par une allocation forfaitaire de 2 000 euros. Cette disposition occasionne une réduction d’impôt pour certains retraités modestes et une hausse pour d’autres. « Cet abattement permettra à un quart des retraités imposables de payer moins d’impôts. Pourquoi ? Pour plus d’équité : les retraités les mieux dotés contribueront un peu plus, ce qui bénéficiera aux autres », a justifié la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, lors de son passage vendredi sur le plateau des 4V sur France 2.
En commission, la majorité des députés a opté pour la suppression de cette mesure. Des amendements ont été déposés afin de réintroduire l’abattement sous une forme plus ciblée, épargnant un plus grand nombre de retraités modestes.
La révision de droits de timbre
Les discussions s’annoncent particulièrement vives sur cet article du PLF, qui propose de créer et de rehausser divers droits de timbre relatifs au droit au séjour et à l’accès à la nationalité française. Il rétablit notamment une taxe destinée aux personnes souhaitant engager des procédures judiciaires.
En commission, la gauche a dû affronter l’unité du front composé de l’extrême droite, de la droite et des macronistes, accusant ces derniers d’adhérer au programme du RN. « Les personnes étrangères, souvent en situation de grande précarité, se retrouvent une fois de plus au premier rang de ces choix choquants et profondément injustes », écrivaient lundi plusieurs associations de défense des droits des étrangers dans un message commun publié notamment sur le site d’enquête Mediapart.
La suppression de niches fiscales
Le budget propose d’éliminer 23 niches fiscales jugées « obsolètes ou inefficaces » parmi les 474 existantes. L’économie attendue s’élève à environ 5 milliards d’euros. Parmi ces niches figurent l’exonération d’impôt sur les indemnités journalières versées aux patients atteints d’affection longue durée (ALD) et les avantages fiscaux liés à deux biocarburants, dont le Superéthanol E85.
Le vote sur la partie recettes du budget est prévu pour le 4 novembre à l’Assemblée nationale. Il constituera un premier test pour le gouvernement, avant un passage au Sénat et une adoption éventuelle au début du mois de décembre.







