Après que la violence a éclaté lors d’une manifestation de réservoir dans l’ouest de la France, nous expliquons pourquoi les projets ont suscité tant de colère
Les violences qui ont émaillé une manifestation à Sainte-Soline (Nouvelle-Aquitaine), dans l’ouest de la France, ce week-end, ont mis les soi-disant «méga réservoirs» sous les projecteurs.
Nous examinons ici les arguments pour et contre eux et explorons pourquoi ils sont si controversés.
Quels sont les réservoirs ?
Ce sont d’énormes «bassins» qui stockent l’eau que les agriculteurs peuvent utiliser pour arroser les cultures et effectuer d’autres travaux agricoles au printemps et en été. Ils ressemblent à d’immenses piscines mais sont également entourés de pompes et de tuyaux.
Les bassins pompent l’eau de la nappe phréatique pendant l’hiver (lorsque la nappe phréatique est censée être reconstituée par la pluie) pour la stocker pendant les mois les plus secs.
L’intention est que les agriculteurs disposent d’une source d’eau ininterrompue et n’aient pas besoin de prélever de l’eau souterraine en été lorsqu’il y a moins de pluie.
Combien y en a-t-il en France ?
Il n’y a pas un seul chiffre officiel sur le nombre de « bassins » en France. Cependant, un site Web du gouvernement suggère qu’il existe environ 100 projets de ce type.
Les militants Bassines non merci et Le Soulèvement de la Terre disent qu’il y en aurait en fait environ 300.
Où sont-ils en France ?
Les « bassins » sont généralement construits dans de grands champs ou sur des terres agricoles.
La plupart d’entre eux se trouvent dans l’ouest du pays, principalement en Charente-Maritime, en Vendée et dans les Deux-Sèvres.
Sainte-Soline, qui se trouve dans les Deux-Sèvres, fait (avec un autre site à Mauzé-sur-le-Mignon) partie d’un projet de 16 réservoirs autour du bassin de la Sèvre et du Mignon près de Niort.
Ces 16 réservoirs stockeront à eux seuls un total de six millions de mètres cubes d’eau et seront utilisés par une coopérative de 450 agriculteurs, avec le soutien de l’État.
En Vendée, il y a environ 25 réservoirs, qui ont été construits entre 2007-2011. Un nouveau projet de 30 nouvelles retenues sur le bassin du Clain, dans la Vienne, a été approuvé fin 2022.
Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS, dit FranceInfo qu’il y a plusieurs réservoirs dans cette zone en raison du sol granitique. Constitué de roches denses, l’eau ne peut pas s’y infiltrer, ce qui signifie que toute culture cultivée sur le terrain nécessite un arrosage plus fréquent. Cela est particulièrement vrai pour les cultures de maïs, qui sont courantes dans la région.
Quels sont les arguments en faveur des réservoirs ?
Les agriculteurs les ont appelés leurs «polices d’assurance-vie» en cas d’étés secs, et disent qu’ils sont essentiels pour protéger leur capacité à faire pousser des cultures et à fournir de la nourriture même lorsque l’eau serait autrement rare.
Ancien agriculteur et député européen Jérémy Décerle dit TF1: « Cela permet aux agriculteurs, en période de sécheresse, et pendant l’été où c’est plus difficile de cultiver, de bénéficier d’un peu plus d’eau pour faire pousser leurs cultures. »
Un agriculteur des Deux-Sèvres dit LCI: « Il est essentiel que cela réussisse dans notre région, où la moitié des exploitations irriguées vont disparaître. Sans réserve de remplacement, nous ne pouvons pas garantir la production agricole au niveau national. »
Pourquoi sont-ils controversés ?
Les critiques et les militants disent qu’ils représentent des pratiques injustes de «partage de l’eau» et un «vol» d’eau à un moment où l’eau se raréfie et où les niveaux des eaux souterraines sont historiquement bas.
Les opposants affirment également que les réservoirs gaspillent une énorme quantité d’eau en raison de l’évaporation – environ 20 %.
Au cours des derniers mois, la nappe phréatique n’a pas été reconstituée comme d’habitude, les experts en environnement avertissant que cela entraînera probablement un grave manque d’eau cet été.
Les préfectures et les autorités locales ont déjà commencé à imposer des restrictions d’eau en conséquence.
Les militants disent que les réservoirs traitent les symptômes du problème tout en aggravant la cause. Ils soutiennent qu’au lieu de thésauriser l’eau, la société doit repenser la façon dont nous utilisons l’eau dans la vie quotidienne et pour l’agriculture.
Un manifestant a déclaré à TF1 : « Nous sommes ici pour défendre l’eau. Partout où nous regardons, on nous dit que nous devons restreindre notre consommation d’eau, alors nous sommes là pour éviter cette monopolisation [of water sources].”
Quel est le statut juridique des réservoirs ?
Ils sont tous légaux, en ce sens que leur construction a été approuvée par les voies officielles. Cependant, les militants ont réussi à mettre en doute leur utilité et leur pertinence pendant la crise actuelle de l’eau, et la construction de certains a été annulée par les tribunaux.
Plusieurs projets de réservoirs font actuellement l’objet de procès et de campagnes d’activistes. Il s’agit notamment de 93 réservoirs en cours de construction dans l’ancienne région Poitou-Charentes.
En janvier, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé six projets en Charente-Maritime, estimant que la quantité d’eau prévue pour les réservoirs était « excessive ».
Plus tard, en février, le tribunal du Conseil d’État a interdit le remplissage de cinq autres réservoirs du département faute d’études sur leur impact.
D’autres manifestations sont-elles prévues ?
Oui. Les militants militants affirment que jusqu’à 10 000 personnes devraient assister aux manifestations de ce samedi 1er avril, toujours à Sainte-Soline, qui est devenue un symbole de la question plus large.
Les autorités disent qu’environ 7 000 personnes pourraient y assister, dont 1 000 manifestants « ultra » qui pourraient devenir violents. Le week-end dernier, la gendarmerie a utilisé des quads et des gaz lacrymogènes pour chasser les manifestants.
Les organisateurs disent qu’il y avait 30 000 personnes présentes, tandis que la gendarmerie avance le chiffre plus près de 6 000. Les militants affirment qu’au moins 200 manifestants ont été blessés. Sur 3 000 agents des forces de l’ordre présents, 28 ont été blessés et deux ont été hospitalisés. Deux journalistes ont également été blessés.
Un manifestant reste dans le coma après avoir été touché par un projectile encore non identifié. Les chiffres officiels indiquent que sept manifestants ont été pris en charge par les services d’urgence et trois ont été grièvement blessés.
Des investigations sont en cours pour déterminer ce qui s’est passé.
Sainte-Soline : « Je regrette que les responsables politiques ne condamnent pas unanimement ces violences contre les gendarmes. On peut être contre les bassins et éviter de jeter des cocktails Molotov à la tête de personnes qui ne font que leur métier. »@GDarmanin dans #CàVous pic.twitter.com/QcdlDHlwal
— C à vous (@cavousf5) 27 mars 2023
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a condamné les violences, affirmant qu' »on peut être aux réservoirs sans lancer de cocktails Molotov ».
Mais le leader de l’opposition, Jean-Luc Mélenchon, a déclaré que « ces réservoirs endommagent les réserves d’eau en France ». Il a imputé la violence à la brutalité des officiers et a déclaré que « sans la [riot police] BRAV-M, rien ne serait arrivé sauf une promenade dans les champs ».
Assez de violences policières à #SainteSoline !
Assez !
Sans les BRAV-M, sans ce cirque, il ne se passerait absolument rien d’autre qu’une marche dans les champs !
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 25 mars 2023