Mouloud Aït Liotna présente une œuvre cinématographique à la fois contemplative et introspective. Il aborde les sujets du déracinement et de la société contemporaine. Découverte d’un jeune réalisateur passionné par l’univers de Robert Bresson et de Tariq Teguia.
« Je n’étais pas euphorique, juste heureux mais calme », avoue Mouloud Aït Liotna, réalisateur du film La maison brûle, autant se réchauffer. Son premier film a été sélectionné pour la Quinzaine des cinéastes dans la catégorie court métrage. Il admet être une personne discrète, non exubérante derrière sa barbe bien garnie. Mouloud Liotna est si réservé qu’il a voulu disparaître derrière un pseudonyme. « Ce n’est pas mon vrai nom, Liotna est un hommage à ma région, à la région de mes parents. J’ai gardé mon prénom », précise Mouloud… Ouyahia, l’ancien étudiant en cinéma et philosophie. Son ami et coproducteur, Jules David, confie : « on s’est rencontrés il y a huit ans à l’université, en master de production à Montpellier. Mouloud est brillant intellectuellement, il est érudit. Il a une vision un peu sombre du monde et n’aime pas être mis en avant ».
Premières fois
Le jeune cinéaste de 32 ans est toujours très modéré, même dans son enthousiasme. Pourtant, il a plusieurs raisons de se réjouir. « C’est le premier festival à qui j’ai envoyé une version non finie du film ». Et le premier à l’accepter. Mouloud Aït Liotna avoue aussi que c’est sa première interview. « Ma première interview de toute ma vie », insiste-il. Beaucoup de premières fois pour l’enfant de Tazmalt, Béjaïa. C’est aussi la première fois qu’un film kabyle est sélectionné à Cannes. La maison brûle, autant se réchauffer est un miracle. La météo, d’abord : « J’ai imaginé mon film en hiver, un temps humide, gris. Avant le tournage, en janvier 2023, il avait fait beau pendant des mois. Je me suis résigné à tourner en plein soleil. Une semaine avant le tournage, il a plu très fort et il y avait même de la neige en montagne. Et il n’a plus plu depuis. Pas une goutte », confie Mouloud Liotna, réalisateur, scénariste et coproducteur.
Il était une fois trois amis…
La maison brûle, autant se réchauffer raconte une histoire d’amitié entre trois jeunes Kabyles, à la veille du départ de l’un d’entre eux pour la France. C’est aussi l’histoire d’une Kabylie qui se vide de ses habitants, notamment des jeunes qui, contraints ou simplement attirés par un ailleurs plus prometteur, s’exilent. Yanis, le personnage central, rêve d’Europe, l’un de ses deux amis veut s’installer au Sahara et l’autre vit tant bien que mal chez lui. « C’est une histoire ancrée dans un territoire, dans une langue. Je veux parler d’aujourd’hui, pas du passé », affirme, d’une voix douce mais déterminée, celui qui dit détester « le folklore ». Y a-t-il des éléments autobiographiques dans ce film d’auteur ? « Sûrement, mais ce n’est pas ma vie », tranche le réalisateur. « On reconnaît un peu Mouloud dans chacun des trois personnages », nuance Jules David. Mouloud Ouyahia, admirateur de Robert Bresson et de Tariq Teguia, préfère montrer que démontrer. Bientôt en Algérie ? « La première africaine, je la réserve aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa. C’est obligatoire », sourit-il. La maison brûle, autant se réchauffer, un film poétique, porté par des acteurs amateurs inspirés.
Fiche technique
Réalisation et scénario : Mouloud Aït Liotna
Durée : 43 minutes
Distribution : Mehdi Ramdani et Mohamed Lefkir
Synopsis : Yanis, un jeune Kabyle, part demain pour Paris. Il rejoint la petite ville locale pour régler ses dernières affaires. Il y apprend la mort d’un ami d’enfance, en rencontre un autre à l’enterrement. Une mésaventure au café transforme cette dernière journée au bled en galère et en road-movie, d’abord désespéré, puis pensif et mélancolique, dans une Algérie terreuse et détrempée