En mai dernier, son film avait été présenté hors compétition à Cannes. Mais c’est à Angoulême que la cinéaste a finalement reçu l’acclamation tant attendue.
Le triomphe de Katell Quillévéré au Festival du film francophone d’Angoulême
C’est le triomphe de Katell Quillévéré qui a été célébré lors du festival toujours plus populaire, le Festival du film francophone d’Angoulême. Le dimanche 27 août, la réalisatrice a été honorée du tout premier prix du festival pour son œuvre Le Temps d’aimer, un récit à la fois sentimental et historique qui relate l’histoire d’une femme rasée après la Libération en 1947. Dans un décor de plage normande, le personnage de Madeleine (interprété par Anaïs Demoustier), une mère célibataire travaillant en tant que serveuse dans un hôtel-restaurant, croise la route de François (joué par Vincent Lacoste), un étudiant à la fois fortuné, éduqué et énigmatique. Leur attirance mutuelle est instantanée et leur relation évolue rapidement. Pour Madeleine, ce mariage représente une porte de sortie pour oublier les atrocités de la guerre ainsi que son ancien amoureux, un soldat allemand et le père de son fils, Daniel. Rasée puis chassée de chez elle, Madeleine est une femme à la fois blessée et traumatisée.
Ce film, fruit de plusieurs années de labeur, avait en premier lieu été présenté en dehors de la compétition lors du Festival de Cannes en mai, s’inspire de la vie de la grand-mère de la réalisatrice, qui eut un enfant à l’âge de 17 ans avec un soldat de la Wehrmacht. Le prix remporté à Angoulême signifie-t-il une reconnaissance longtemps attendue pour Katell Quillévéré ? « C’est comme si la vie de mon film a vraiment commencé ici et c’est une sensation incroyable », a déclaré Quillévéré lors de la remise de son prix.
Ses compétences en réalisation centrées sur l’émotion
Âgée de 43 ans, malgré une notoriété encore insuffisante, cette réalisatrice centrée sur les émotions et les histoires dissimulées a déjà connu quelques succès notables avec ses films précédents. Suzanne, un récit passionnel avec Adèle Haenel et Sara Forestier : a réalisé 300 000 entrées. Réparer les vivants (2016), une adaptation du best-seller de Maylis de Kerangal qui raconte une rapide transplantation cardiaque : 345 000 entrées.
À chaque occasion, elle co-écrit les scénarios de ce qu’elle désigne comme des « histoires souterraines ». Celles qui sont cachées par un pays ou une famille et qui nécessitent d’être « déterrées ». Comme lorsqu’elle co-écrit en 2022, avec Hélier Cisterne, la série Arte Le Monde de demain sur les débuts du hip-hop en France. Le Temps d’aimer s’inscrit dans cette recherche. « C’est une histoire qui est restée secrète pendant très longtemps », a expliqué la réalisatrice à l’AFP en mai. « Lorsque la vérité a été révélée, j’ai eu envie de réaliser ce film, qui n’est pas entièrement autobiographique ».
Un événement cinématographique populaire
Le Festival d’Angoulême, dont le jury était présidé par Laetitia Casta, a également décerné deux prix à Rosalie, du réalisateur Stéphanie Di Giusto, qui a reçu le prix Valois de l’actrice pour Nadia Tereszkiewicz et celui de musique pour Hania Rani. Le prix Valois du scénario a été attribué à Yolande Moreau et Frédérique Moreau, pour La Fiancée du poète, une réalisation de Yolande Moreau, ex-vedette des Deschiens.
Pour sa 16ᵉ édition, le Festival remporte un succès croissant, avec un nombre record d’entrées : malgré une chaleur accablante, 58 000 spectateurs ont rempli les salles, à comparer aux 52 000 en 2022. Les spectateurs sont attirés par cet événement populaire et par son pass, qui pour quelques dizaines d’euros, offre la possibilité de voir un ensemble de films non encore diffusés en salle.
Ce succès est également percevable du côté des célébrités, qui sont ravis de confronter leur film à un public réel. À Angoulême, il n’y a pas de tapis rouge et l’atmosphère est moins glamour qu’à Cannes, mais Diane Kruger, Fanny Ardant, Karin Viard, Benjamin Biolay, ou encore Mathieu Kassovitz étaient présents cette année. Selon l’un de ses fondateurs, Dominique Besnehard, il a éprouvé le désir d’en faire « un pont avec Cannes, tout en restant un festival explorateur », rappelant que le festival d’Angoulême avait d’abord projeté Intouchables en 2011, un grand succès du cinéma français avec près de 20 millions d’entrées.