Face à un rythme de travail de plus en plus intense, les techniciens et créateurs sous-estimés qui donnent la faculté de voler aux superhéros et font scintiller les épées laser cherchent à solliciter l’aide des syndicats pour revendiquer des conditions de travail optimales.
Face à un travail de plus en plus intense, les artistes et ingénieurs d’effets spéciaux choisissent la voie de la syndication pour revendiquer de meilleures conditions de travail. Cette dynamique, observable surtout aux Etats-Unis et au Canada, est née en 2022 dans un studio indépendant et prend de l’ampleur cette année. Elle est appuyée par une grève d’ampleur menée par les scénaristes et acteurs d’Hollywood, soutenus par leurs syndicats.
La raison de cette évolution est la forte croissance de la demande pour du contenu, provenant aussi bien des firmes de jeux vidéo que des plateformes de diffusion en continu, compétitive pour conserver et augmenter leur base d’abonnés. Selon des organisations représentant ceux que l’on appelle « les travailleurs de l’ombre » dans le secteur du divertissement, des employés responsables des effets spéciaux pour Marvel Studios et Walt Disney Pictures ont exprimé leur souhait de rejoindre un syndicat.
Des professionnels historiquement non-syndiqués
Un groupe de salariés de Marvel pourrait ainsi constituer la première équipe de ce genre au sein d’un grand studio à franchir ce pas. L’agence gouvernementale américaine en charge du droit du travail devrait comptabiliser leurs votes mardi. L' »International Alliance of Theatrical Stage Employees » (IATSE) voit cette démarche comme un changement notable pour un métier qui était majoritairement non-syndiqué depuis que les effets spéciaux ont connu une évolution significative à partir des années 1970 avec la « Guerre des étoiles ».
En septembre, les spécialistes des effets spéciaux chez Walt Disney procéderont à un vote pour décider s’ils souhaitent se syndiquer. « Nous observons actuellement un élan de solidarité inédit qui renverse les anciens obstacles dans l’industrie et montre que nous faisons tous face au même combat », affirme Matthew Loeb, président international de l’IATSE. « Partout, les travailleurs du divertissement prennent la défense des droits de leurs pairs, cela illustre bien l’enjeu de cette cause », ajoute-t-il.
« Nous avons besoin de pauses repas »
La course à la domination entre Netflix, Amazon, Apple et Disney dans le domaine du streaming a créé une augmentation importante de la demande en films et séries. Ceux-ci nécessitent désormais presque toujours des effets spéciaux, indique Mark Patch de l’IATSE. « Sans effets spéciaux, nous n’aurions pas de sabres lasers, nous n’aurions pas d’Avengers s’envolant dans tous les sens », explique-t-il. « Nous sommes passionnés par notre travail, mais nous avons également besoin de pauses repas et d’une protection santé, et nous méritons une rémunération pour les heures supplémentaires, etc. », ajoute-t-il.
Les employés de l’industrie des effets spéciaux sont souvent amenés à travailler plus de quinze heures par jour, choisissant même parfois de dormir sous leur bureau pour respecter les délais de production serrés. Ce constat est également partagé par les employés des éditeurs de jeux vidéo.
Ainsi que le souligne Chrissy Fellmeth, représentante internationale de l’IATSE, malgré la croissance conséquente de cette industrie valant plusieurs milliards de dollars et l’augmentation de la vitesse de production des jeux en raison de la demande pour les mises à jour, les salaires et les avantages sociaux des employés de ce secteur sont restés stables. De plus, puisque les titres sortent trop rapidement, les employés des studios sont contraints de consacrer beaucoup de temps à corriger les bugs des logiciels.
Mouvement de syndicalisation
D’après Chrissy Fellmeth, les développeurs de jeux vidéo ne restent en général que sept ans avant de se réorienter vers d’autres secteurs technologiques. « Ils ont tendance à partir à la recherche de meilleures opportunités », explique-t-elle. « Même s’ils aiment leur travail dans ce domaine, c’est souvent trop difficile ».
Au mois d’août, le studio de jeux vidéo Workinman Interactive, basé dans l’état de New York et ayant pour clients Nintendo et Disney, a initié une campagne de syndicalisation, rapporte l’IATSE. Ils rejoindraient alors une poignée de syndicats de studios de jeux vidéo, dont le Game Workers Alliance Union, formé début 2022 par des travailleurs de l’assurance qualité chez Raven Software, une filiale d’Activision Blizzard.
« J’attends avec impatience de voir ce que nous réserve l’avenir maintenant que nous avons la possibilité de faire valoir nos droits et d’être considérés comme des égaux », a déclaré Cori Mori, une développeuse junior chez Workinman, dans un communiqué. Selon Chrissy Fellmeth, ce mouvement de syndicalisation est en partie dû aux restrictions de plus en plus fréquentes concernant le télétravail dans de nombreux studios, obligeant les employés à habiter à proximité du lieu de travail dans des villes où le coût de la vie est élevé.
La grève actuelle à Hollywood a aussi contribué à la prise de conscience du pouvoir de la syndicalisation. Les scénaristes ont débuté le mouvement en mai, suivis par les acteurs en juillet. Les syndicats réclament, entre autres, une hausse des salaires et une garantie que l’intelligence artificielle ne viendra pas empiéter sur leurs emplois et leurs revenus.







