Jordan Bardella, le leader du Rassemblement national, est en faveur de l’expulsion des individus étrangers suivis pour des motifs de radicalisation, afin d’alléger la charge de travail des services de renseignement. Toutefois, il semble avoir du mal à naviguer correctement parmi les statistiques.
Le mercredi 25 octobre 2023, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, était l’invité de l’émission 8h30 de 42mag.fr. Durant cet entretien, il a suggéré l’expulsion des étrangers en France qui sont suivis pour radicalisation. Cette proposition intervient deux semaines après l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Dominique Bernard, professeur de lettres, à Arras. La motivation de cette idée ? Réduire la charge des services de renseignements français et économiser des ressources.
Selon Jordan Bardella, cette mesure préventive est nécessaire car « Il y a des gens qui sont suivis pour leur proximité avec le fondamentalisme islamiste dans notre pays, qui sont étrangers sur le territoire de la République française, il faut les expulser de manière préventive, ce qui va permettre aux services de renseignements français d’avoir beaucoup moins de personnes à surveiller ».
Bardella a fourni quelques statistiques pour soutenir son point de vue. Il avance qu’il y a environ 4 200 individus étrangers radicalisés en France, et que la moitié des personnes inscrites au FSPRT – le Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – sont des étrangers. Est-ce vraiment le cas ?
Près de 4 263 étrangers fichés pour radicalisation
Le premier chiffre mentionné par Jordan Bardella s’avère être correct. En effet, il existe environ 4 200 étrangers classés comme radicalisés et suivis en France. Plus précisément, ils sont 4 263.
Ce chiffre a été divulgué par le ministère de l’Intérieur quelques jours après l’attentat d’Arras, dont le suspect principal est de nationalité tchétchène. Il représente le nombre d’étrangers inscrits au FSPRT, une base de données créée en 2015 pour consolider le suivi des individus radicalisés suite aux attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher.
Un étranger sur cinq est fiché pour radicalisation
Cependant, le second chiffre avancé par le président du RN est erroné. Non, la moitié des personnes inscrites au FSPRT ne sont pas étrangères.
En fait, le FSPRT compte 20 120 noms, enregistrés progressivement depuis la création de la base de données. Sur ce total, 4 263 sont étrangers, soit un cinquième, mais pas la moitié. Puisque les proportions réelles montrent que sur cinq individus suivis pour radicalisation à caractère terroriste, un est étranger.
La majorité des étrangers fichés sont en situation régulière
Le ministère de l’Intérieur a fourni des informations supplémentaires concernant les profils et la situation des personne fichées. Deux tiers des étrangers en question (2 852) sont en situation régulière et ont donc le droit de résider en France. Ce qui fait 1 411 en situation irrégulière.
Sur ces 1 411, 922 ont déjà été expulsés au cours des huit dernières années depuis la mise en place du fichage FSPRT, selon le gouvernement. 489 sont toujours en France, dont 214 en détention provisoire ou privés de leur liberté et 82 en résidence surveillée.
En résumé, 193 étrangers en situation irrégulière et fichés pour radicalisation ne font pas encore l’objet d’une mesure spécifique. En conséquence, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a initié un réexamen de leur statut afin de hâter leur expulsion. Selon l’entourage du ministre, 85 de ces individus « ne sont sans doute plus sur le territoire ».