Le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda reste fidèle à son thème de prédilection, la famille, et aborde la question de l’enfance dans un film élaboré avec finesse.
Hirokazu Kore-eda, célèbre pour des films comme Une affaire de famille et Tel père, tel fils, voit sa notoriété un peu mise à mal par L’Innocence qui sera à l’affiche à partir du mercredi 27 décembre. Ce film portant sur une profonde amitié entre deux élèves de CM2 semble perdre une partie de son attrait et de son émotion en raison d’une structure narrative trop complexe pour un sujet aussi simple.
Un récit fragmenté
Minato, élève de CM2, est perturbateur ce qui le marginalise de ses camarades. Mis à l’écart par sa mère veuve, elle se trouve constamment en conflit avec l’école, alors que le problème semble être dû à un professeur au comportement agressif. Quant à Minato, il se lie d’amitié avec Eri, une relation qu’il souhaite garder secrète auprès des autres élèves. Cette amitié intense va peu à peu les isoler de leur environnement, menant à une évolution inévitable et irréversible.
Depuis Zéro de conduite (1934) de Jean Vigo, l’enfance a toujours été un thème central au cinéma. Les 400 Coups (1959) de François Truffaut reste une œuvre emblématique, référence que l’on pourrait retrouver dans L’Innocence, où Kore-eda décrit l’amitié de deux enfants du même âge que dans le film de Truffaut. De plus, le comportement de Minato, qui dérange les adultes, rappelle celui du jeune Doinel des 400 coups. Toutefois, alors que chez Truffaut l’émotion découlait d’une narration linéaire, Kore-eda opte pour une structure de récit fragmentée qui semble égarer le message.
Métaphysique de l’enfance
Dans L’Innocence , Kore-eda varie les perspectives et les époques au point de créer la confusion. Le récit, d’abord raconté du point de vue de la mère, passe ensuite à celui du professeur et de l’enfant, ces trois visions s’entrecroisant constamment pendant le film. Certaines scènes restent en suspens sans qu’on en connaisse l’issue, comme celle où les parents cherchent les enfants sous une pluie battante. Si Kore-eda sollicite l’implication du spectateur pour relier les différentes séquences, le fil conducteur du récit semble perdu et le film favorise des interprétations trop larges.
On distingue une autre référence dans un genre complètement différent : 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Le parti pris de son film était similaire, mais le sujet s’y prêtait davantage que celui d’une amitié enfantine. Toutefois, Kore-eda semble s’inscrire dans la continuité de Kubrick lorsqu’il aborde à travers Minato l’idée de la fin de l’univers (le « big crunch« ) et celle de la réincarnation, deux thèmes qui le fascinent. Cette dimension métaphysique du film rejoint celle de 2001. Cependant, si la gravité du thème de l’enfance est tout à fait pertinente, l’approche trop intellectuelle de Kore-eda pourrait dérouter certains spectateurs.
Label technique
Type : Drame
Directeur : Hirokazu Kore-eda
Figurants : Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa
Nationalité : Japon
Temps : 2h06
Date de sortie : 27 décembre 2023
Distributeur : Le Pacte