Elle n’avait pas foulé le tapis rouge de la Croisette depuis 1989, année où elle avait remporté le prix de la meilleure interprétation pour le film « Un cri dans la nuit ». Lors d’un débat ouvert au public, Meryl Streep est revenue sur son impressionnante trajectoire professionnelle et s’est exprimée sur la position des femmes dans l’industrie cinématographique.
Cela fait trois décennies et demi qu’elle n’avait pas franchi la bordure du tapis rouge du célèbre Festival de Cannes. Quand Meryl Streep emprunte le chemin de la Croisette, l’enthousiasme et l’effervescence montent parmi son public. Un auditoire de mille fidèles ont eu la chance de prendre part à un échange avec l’icône du cinéma hollywoodien.
Pendant une heure, elle s’est exprimée sur divers sujets tels que sa personne, sa filmographie, sa fonction de mère et de grand-mère, sans oublier la condition féminine dans l’industrie cinématographique.
Le raffinement et la naturel
Même si elle symbolise l’un des curriculum vitæ les plus impressionnants du cinéma américain avec pas moins de 21 nominations aux Oscars, Meryl Streep se fait remarquer par son raffinement et sa naturel. Montant sur la scène de la salle Debussy, la star américaine admet sans détour avoir veillé jusqu’à 3h du matin la nuit précédente à la suite d’une soirée rythmée avec les membres de l’équipe du film Le deuxième acte de Quentin Dupieux. Vêtue d’un pantalon et d’un chemisier noirs, avec ses longs cheveux, aucune marque de fatigue n’altère son visage.
À 74 ans, l’actrice n’a pas manqué de partager avec enthousiasme quelques anecdotes de tournage : son rôle dans Kramer contre Kramer de Robert Benton (1979) est notamment marquant, car elle a réécrit la dernière réplique, modifiant ainsi profondément son personnage. Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino se distingue lui aussi puisqu’il lui a accordé la possibilité de créer une partie de son personnage, un privilège rare à une période où les femmes étaient reléguées aux rôles secondaires.
On ne peut que sourire en l’écoutant se remémorer Robert Redford qui lors du tournage d’une scène mémorable d’Out of Africa (1985), entourée de lions et d’hippopotames effrayants, tente avec difficulté de lui réaliser un shampooing. Avec beaucoup de stupéfaction et d’effort, il a finalement réussi. « À la cinquième prise, j’étais subjuguée, l’intensité était telle, c’était une scène d’amour passionné, véritablement merveilleuse », s’amuse l’actrice de 74 ans.
Celle qui a collaboré avec les cinéastes les plus influents de son époque, tels que Steven Spielberg, Michael Cimino, Clint Eastwood ou Greta Gerwig, admet ne pas avoir suffisamment de temps pour découvrir des films français, étant fort occupée avec ses quatre enfants et ses cinq petits-enfants.
Déclaration des problématiques d’instabilité des femmes dans le cinéma
Toute parente qu’elle était, cela ne l’a pas dissuadée de mettre en lumière, tout au long de sa carrière cinématographique de 50 ans, les difficultés rencontrées par les femmes dans le milieu. C’est ce qui lui vaut l’admiration de la cinéaste Danièle Thompson, venue l’écouter. « Cela nous émeut à la sortie de ce genre de rencontre. On a échangé avec une femme tout à fait comme nous, une personne authentique et élémentaire, explique-t-elle. « Elle ressemble à toutes les femmes qui travaillent et qui parviennent à tout gérer simultanément. » « C’est pour moi la plus talentueuse actrice de son temps » complète une autre admiratrice. « Elle est extraordinaire, si intelligente », renchérit une troisième.
C’est la deuxième participation de Meryl Streep à Cannes. En 1989, après avoir obtenu le prix de l’interprétation pour son rôle dans Un cri dans la nuit, elle était d’avis que sa carrière atteignait son terme. Elle avait alors déjà trois enfants et s’approchait de la quarantaine. Sa récompense honorifique reçue suite à l’inauguration de la 77e édition du Festival de Cannes prouve, une fois pour toutes, qu’elle avait eu tort sur ce point.