La maire d'une petite ville française et son adjoint doivent être jugés pour complicité de trafic de drogue dans une affaire qui montre à quel point les barons de la drogue exercent leur emprise sur certaines communautés rurales.
Enlisé dans des problèmes de procédure depuis le 27 mai, le procès de Bobigny, en banlieue parisienne, est suspendu jusqu'à lundi.
Le tribunal correctionnel de Seine-Saint-Denis a été contrecarré par les demandes des avocats de la défense qui ont empêché tout examen des faits à l'encontre de 19 prévenus.
Parmi eux, l'ancien maire et adjoint au maire de la petite commune de Canteleu. Ils apparaissent en relation avec un important réseau de trafic de cocaïne, d'héroïne et de cannabis, soupçonné d'être dirigé par la redoutable famille Meziani en France.
La police affirme que Canteleu, une ville ouvrière de 14 000 habitants en Normandie, est au centre d'une vaste opération de trafic de drogue depuis une quinzaine d'années.
Cette affaire historique a mis en lumière l’influence du trafic de drogue à grande échelle dans une petite municipalité.
L'ancienne maire de Canteleu, Mélanie Boulanger, 47 ans, nie toute implication.
Élu maire en 2014, Boulanger est une figure socialiste de premier plan de la politique normande. Elle est soupçonnée d'avoir fait pression sur la police pour qu'elle ne s'immisce pas dans les affaires du clan Meziani, qui contrôlerait la ville en faisant régner la terreur.
Des millions d'euros de bénéfice
La famille Meziani aurait menacé et manipulé le maire – via son adjoint Hasbi Colak – qui a également été poursuivi.
Dans une conversation téléphonique sur écoute, l'un des frères a menacé de mettre le feu à la municipalité, tout en proposant de garantir sa réélection et de maintenir l'ordre public à Canteleu si elle effectuait les services demandés.
Boulanger – l’ancien tête de liste des Socialistes/Verts français pour la Normandie aux élections régionales de 2021 – a été arrêté en octobre 2021 et inculpé de complicité de trafic de drogue en avril 2022.
Elle a démissionné de son poste de maire plus tôt cette année, invoquant des raisons de santé, suite à son renvoi devant les tribunaux.
Cartel de la famille Meziani
L'affaire a éclaté en septembre 2019 avec l'arrestation de deux individus suspects dans un parking de Saint-Denis, au nord de Paris, qui effectuaient un trafic de drogue.
L'un des suspects transportait 50 000 € en espèces, les deux autres kilos de cocaïne pure à 80 pour cent.
L'enquête sur l'acheteur a rapidement conduit la police de Seine-Saint-Denis sur la commune de Canteleu en Normandie – port d'attache de la famille Meziani – soupçonnée d'être l'un des principaux acteurs du trafic de drogue dans la région rouennaise.
Depuis le décès du chef de famille, Mohamed, dans un accident de la route en 2019, ses frères Aziz et Montacer auraient repris l'exploitation.
L’enquête – qui comprenait de nombreux enregistrements sonores et écoutes – a mis au jour un important réseau d’importation et de vente de drogue, vendant du cannabis ainsi que de l’héroïne et de la cocaïne.
La police estime que son organisation a réalisé des bénéfices annuels de plus de 10 millions d'euros rien qu'avec la cocaïne et l'héroïne.