Quatre-vingts ans après avoir été spoliées à une famille juive pendant l’occupation nazie de la France, deux natures mortes du XVIIe siècle ont été restituées aux héritiers de leurs propriétaires légitimes, qui en ont fait don au musée du Louvre à Paris.
Les deux tableaux, « Nature morte au jambon » de l’artiste néerlandais Floris van Schooten et « Nourriture, fruits et verre sur une table » de l’Allemand Peter Binoit, sont désormais exposés aux côtés de documents historiques donnant des informations sur les Javal, la famille qui les possédait jusqu’en 1944.
On pense que les œuvres ont été pillées cette année-là dans le manoir familial du 7e arrondissement de Paris, selon le ministère français de la Culture, qui a contribué à retrouver les propriétaires légitimes.
Cinq membres de la famille ont été déportés et assassinés au camp d’extermination d’Auschwitz, tandis que d’autres ont combattu dans la Résistance ou sont entrés dans la clandestinité.
Leurs ayants droit vivants ont finalement été identifiés l’année dernière grâce aux efforts des chercheurs du ministère de la Culture, des Archives nationales françaises et de la CIVS, la commission chargée d’examiner les demandes de réparation des victimes des lois antisémites françaises de guerre.
Les héritiers ont remis les œuvres au Louvre lors d’une cérémonie mardi dernier, à laquelle ont assisté 48 descendants des Javal.
C’est un « devoir de mémoire envers ma famille, qui a été spoliée et persécutée, dont l’histoire parle aux générations actuelles », a déclaré à l’AFP l’une d’elles, Marion, demandant à garder l’anonymat.
‘N’oublie jamais’
La nouvelle exposition « témoigne d’un groupe de personnes riches et intéressantes » qui ont eu des destins très différents, a-t-elle déclaré.
La directrice du musée, Laurence des Cars, a déclaré à l’AFP qu’il s’agissait d’un « appel à ne jamais oublier, d’un engagement à transmettre la mémoire et d’un appel constant à l’action ».
On pense que les tableaux des Javal faisaient partie des milliers d’œuvres d’art volées et emmenées en Allemagne à l’automne 1944.
Mathilde Javal, membre survivante de la famille, avait officiellement demandé la restitution des tableaux à la fin de la guerre en 1945, mais des erreurs dans l’orthographe de son nom et de son adresse ont retardé le processus, selon le Louvre.
Sa lettre est désormais présentée aux côtés des tableaux.
Au lieu d’être restituées, les deux natures mortes ont fini au Louvre dans les années 1950, dans la collection d’œuvres spoliées de l’État français dont la propriété légitime n’est pas claire.
Dans le cadre du programme de récupération des musées nationaux, des milliers d’entre eux ont été confiés à des musées nationaux pour être conservés en lieu sûr.
Le gouvernement a également demandé à des experts en généalogie de l’aider à retrouver les propriétaires vivants, bien que cette initiative soit limitée à un petit nombre d’objets.
Des milliers de pièces volées
En France, pendant l’occupation nazie de 1940 à 1945, environ 100 000 objets culturels ont été pillés ou vendus sous la contrainte, principalement à des familles juives. Beaucoup ont été transférés en Allemagne.
Environ 60 000 œuvres revinrent en France après la guerre, dont 45 000 furent restituées à leurs propriétaires par une commission spéciale qui fonctionna jusqu’en 1949.
Des 15 000 restants, environ 13 000 ont été vendus par l’État et 2 200 confiés à des musées.
Le Louvre abrite 1 610 œuvres d’art, dont 791 peintures.