« Dos Madres » puise son inspiration dans un scandale gouvernemental qui a bouleversé de nombreuses familles en Espagne, tant pendant qu’après la période du Franquisme.
Le cinéaste espagnol Víctor Iriarte livre un premier long-métrage brillant, inspiré par un scandale d’État bien réel : une campagne d’enlèvements d’enfants orchestrée entre la fin des années 1930 et les années 1980. Ces enfants, enlevés à la naissance, étaient placés dans des familles loyales au régime dans le but de les éloigner de l’influence politique perçue comme néfaste de leurs mères biologiques. Son film, intitulé Dos Madres, débarque dans les salles françaises le 17 juillet 2024.
Véra (interprétée par Lola Dueñas) n’a jamais cessé de rechercher son fils, arraché à elle dès le jour de sa naissance. Convaincue qu’il est vivant, elle n’a rien laissé au hasard pour le retrouver. Cependant, elle se heurte à une administration délibérément silencieuse et découvre que son dossier a été effacé.
Face à cette impasse, Véra décide de franchir les limites de la légalité pour finalement retrouver la trace de son fils, Egoz (joué par Manuel Egozkue), aujourd’hui jeune adulte adopté par Cora (interprétée par Ana Torrent), elle-même une victime du même schéma. Les trois personnages vont progressivement se retrouver afin de guérir leurs blessures et rétablir une certaine justice.
« Éradiquer les gènes du marxisme »
Dans ce premier long-métrage méticuleusement réalisé, Víctor Iriarte revient sur un scandale d’État dévoilé au grand public par le documentaire Les Enfants volés du franquisme, diffusé à la télévision espagnole en 2010. Entre les années 1940 et 1980, environ 300 000 enfants auraient été enlevés en Espagne dans le cadre de cette opération secrète.
Ce vaste plan d’enlèvements, initié par les théories du psychiatre franquiste Antonio Vallejo-Nájera, visait à éloigner les enfants de leurs mères républicaines pour, dans ses mots, « éradiquer les gènes du marxisme ». Après la mort du dictateur Franco, cette pratique a persisté, facilitée par des complicités dans les hôpitaux et les administrations pour des motifs financiers.
À travers les histoires croisées de ces deux mères, biologiques et adoptives, de l’un de ces enfants volés, Dos Madres plonge dans l’intimité des victimes. Le film ouvre des réflexions sur la filiation, la maternité et l’identité.
Le film commence comme un thriller, marqué par la détermination d’une mère prête à tout pour retrouver son enfant et châtier ceux qui le lui ont arraché. Petit à petit, Dos Madres se transforme en un drame psychologique explorant les sentiments des trois protagonistes, notamment ceux d’un fils partagé entre deux mères.
Le film se penche sur les connexions qui se reconstruisent entre les personnages, comme une tentative de recoudre un passé déchiré par une machination d’État aux motifs idéologiques et financiers. Les protagonistes se lancent dans une quête de reconnaissance et d’identité, violées par une structure corrompue.
Avec un récit structuré en chapitres et l’intégration astucieuse d’archives, souvent muettes pour renforcer l’impact visuel, Víctor Iriarte démontre une maîtrise impressionnante de son art. Ce long-métrage prometteur est porté par les performances intenses de Lola Dueñas et Ana Torrent, qui incarnent deux mères déterminées à corriger les injustices passées.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Víctor Iriarte
Acteurs : Lola Dueñas, Ana Torrent, Manuel Egozkue
Pays : Espagne
Durée : 1h 49min
Sortie : 17 juillet 2024
Distributeur : Shellac
Synopsis : Il y a vingt ans, Vera a été séparée de son fils à sa naissance. Depuis, elle le cherche inlassablement, mais toutes les traces administratives ont disparu. À la même époque, Cora adoptait un enfant, Egoz. Aujourd’hui, le destin les réunit. Ensemble, ils vont rattraper le temps perdu et se venger de ceux qui leur ont volé leur histoire.