Selon les informations du journal « Le Parisien », un individu ayant été victime d’abus sexuels durant son enfance a reçu une compensation de 60 000 euros de la part de l’Inir, l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation au sein de l’Église. La présidente de l’Inir rejette toute interprétation suggérant un « effet miroir » dans cette décision.
Un homme, victime d’abus sexuels par un prêtre pendant son enfance, a perçu une somme de 60 000 euros de la part de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) au sein de l’Église. Cet homme, qui a par la suite commis des actes de pédocriminalité, a vu son avocat s’exprimer dans les colonnes du journal Le Parisien, lundi 15 juillet, en affirmant que l’Inirr avait reconnu « l’effet miroir » dans la vie troublée de son client. Selon cet avocat, cela signifie que son client aurait perpétré des violences sexuelles parce qu’il en avait subi dans son enfance. « L’effet miroir n’est pas une notion abordée par l’Inirr », réfute Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Inirr, contactée par France Inter le même jour.
Jean-Yves Schmitt a été victime d’abus sexuels infligés par le prêtre Félix Hutin entre ses 12 et 15 ans, dans un lycée à Bourg-en-Bresse, au cours des années 1960. Plus tard, il a été condamné à cinq reprises pour des faits de pédocriminalité, incluant une peine de 10 ans de prison en 2004. Actuellement, il est suivi par un psychiatre, à ses frais, comme le souligne son défenseur.
Une indemnisation justifiée par « des faits graves et prolongés »
« L’Inirr ne se charge que des victimes ayant subi des abus au sein de l’Église durant leur enfance, ce sont donc les seuls cas pris en compte », précise Marie Derain de Vaucresson. La présidente de cette instance, qui a indemnisé 679 personnes depuis mars 2022 (données actualisées au 12 juillet 2024), insiste : l’Inirr « prend en compte l’intégralité de la vie et du parcours des individus. Cependant, l’effet miroir n’a jamais été discuté par l’Inirr et il est impossible de faire un lien direct entre le fait d’avoir été victime et de devenir auteur d’abus », explique-t-elle.
Marie Derain de Vaucresson tient également à rappeler que ce critère ne saurait être pris en compte, simple observation faite que « la plupart des enfants victimes d’agressions dans leur enfance (…) ne se transforment pas en agresseurs ». Dans le cas spécifique de Jean-Yves Schmitt, aujourd’hui âgé de 73 ans, il a obtenu 60 000 euros de l’Inirr parce qu’il « a été victime dans son enfance et adolescence, et cela est également justifié par la gravité et la durée des faits subis », clarifie la présidente de l’instance. Dans le courrier motivant cette décision, consulté par France Inter, l’Inirr ne mentionne pas « l’effet miroir ».
« Des fautes graves au sein de l’Église durant de nombreuses années »
S’adressant à France Inter, l’avocat de Jean-Yves Schmitt réitère sa position : c’est la première fois que l’Église « admet qu’une personne abusée par un prêtre peut devenir abuseur à cause du comportement du prêtre envers l’adolescent qu’il était », déclare Me Emmanuel Ludot. Il se dit « reconnaissant de l’effort financier » de l’Église qui, selon lui, admet « qu’il y a eu des actes très graves perpétrés au sein de l’Église durant plusieurs décennies ».
L’avocat critique également sévèrement la justice française, estimant que « lorsqu’elle a poursuivi et condamné son client », elle n’a pas pris en compte « qui il était réellement et quelles étaient les causes de son comportement d’abuseur ». Les 60 000 euros d’indemnisation ne vont « pas nécessairement le rendre plus heureux », note Me Emmanuel Ludot. Son client a « tout perdu » : son épouse l’a quitté « depuis longtemps », ses enfants ont coupé tout lien affectif, (…) il a appris qu’il était grand-père mais ne verra jamais ses petits-enfants ».
Depuis mars 2022, 1 453 personnes ont sollicité l’Inirr (données arrêtées au 12 juillet 2024), 969 d’entre elles ont été ou sont en cours d’accompagnement par l’Inirr dont 679 (70%) ont reçu une compensation financière allant de 9 000 à 60 000 euros.