Lors des discussions qui se sont tenues mercredi, un sujet central a été la détermination du montant des dommages attribués au parti d’extrême droite. Cela a également permis d’évaluer les sanctions financières qui pourraient être imposées.
Le troisième jour du procès des assistants parlementaires du Rassemblement National (RN) s’est déroulé le mercredi 2 octobre, marquant une étape cruciale avec l’apparition d’un tableau Excel sur l’écran du tribunal. Ce document listait les noms d’anciens eurodéputés du Front National, de leurs assistants parlementaires, les délais des contrats ainsi que les montants financiers impliqués. Après avoir lu un long résumé des accusations portées contre le parti d’extrême droite, aujourd’hui Rassemblement National, et les 25 prévenus, la présidente de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris a détaillé les sommes en jeu. Marine Le Pen s’est vue imputer « 474 000 euros » pour quatre assistants parlementaires; Jean-Marie Le Pen, non jugé pour raisons de santé, « 513 000 euros » pour cinq assistants; tandis que Bruno Gollnisch fait face à « 1,41 million d’euros »…
Il est crucial pour le tribunal de préciser aux parties prenantes le montant estimé de l’infraction, sachant que ces chiffres seront l’objet de débats intenses lors des deux mois d’audiences à venir. Ces montants diffèrent de ceux avancés initialement par le Parlement européen et des conclusions des juges lors de l’instruction. L’institution européenne avait estimé son préjudice initialement à près de 7 millions d’euros, couvrant l’ensemble des contrats des assistants parlementaires des eurodéputés FN de 2004 à 2016. Les juges d’instruction, quant à eux, avaient retenu environ la moitié de cette somme — 3,2 millions d’euros — se concentrant sur les contrats jugés frauduleux.
« On a l’impression d’être piégés »
En examinant l’affaire, le tribunal a intégré non seulement les contrats pour lesquels les députés et assistants ont été mis en examen, mais aussi ceux où les prévenus ont été interrogés sans poursuites, inscrits dans un tableau en annexe à l’ordonnance de renvoi. Cela représente environ 4,5 millions d’euros, montant qui pourrait être retenu contre le RN, poursuivi en tant que personne morale pour complicité et recel de détournement de fonds publics, ainsi que contre cinq personnes physiques poursuivies pour complicité, incluant Marine Le Pen et quatre anciens trésoriers et comptables.
Les avocats de la défense se sont insurgés : « Vous indiquez que la personne morale se voit imputer des contrats non attribués au député, revenus par ailleurs ? » s’offusque Me Rodolphe Bosselut, promettant de déposer des conclusions à cet effet. « On a l’impression d’être piégés », lance un collègue. « Il n’y a aucun piège », rétorque avec irritation la présidente, Bénédicte de Perthuis. « Nous avons pris en compte tous les contrats inscrits dans le tableau » de l’ordonnance de renvoi et qui s’inscrivent, selon elle, dans le « système » de détournement organisé par le parti à l’aide de ses assistants parlementaires. « Aaaah… le système ! » s’emporte Marine Le Pen, furieuse, depuis son banc. Interrogée mercredi en fin de journée, elle assure que ses « avocats feront leur travail » pour ne pas laisser l’affaire en l’état.
Des amendes amplifiées depuis l’affaire Cahuzac
Le montant en question, sujet de vifs débats, influera sur les dommages et intérêts demandés par la partie civile, le Parlement européen, et sur l’amende infligée au RN et aux prévenus poursuivis pour complicité en cas de condamnation. Depuis l’affaire Cahuzac et la loi de 2013 contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, les sanctions judiciaires peuvent être proportionnelles au préjudice. Pour les personnes physiques, si celui-ci dépasse 1 million d’euros, l’amende peut équivaloir à deux fois le montant du gain illicite, atteignant potentiellement 9 millions d’euros si l’évaluation du tribunal demeure inchangée jusqu’au délibéré.
Pour le RN, en tant que personne morale, l’amende encourue pour complicité de détournement de fonds est cinq fois celle applicable aux personnes physiques, soit 5 millions d’euros. Il est peu probable que le tribunal dépasse ce seuil.
Le RN risque gros car de telles sanctions pourraient compromettre son programme de désendettement, qui vise à apurer environ 20 millions d’euros d’ici 2027, l’année de la présidentielle. Dans un cas similaire concernant les assistants parlementaires européens du MoDem, l’impact financier estimé à 1 million d’euros par le Parlement européen avait été réduit à 293 000 euros lors du procès. Le parti centriste avait écopé d’une amende de 300 000 euros. Cependant, l’ampleur du dossier différait, le tribunal ayant constaté « l’absence de caractérisation d’un système, au vu du nombre restreint de contrats détournés ».
Les avocats du RN et des prévenus, ayant échoué à faire reporter le procès, se préparent à batailler dans les semaines à venir pour réduire le montant des dommages estimés.