Lors de la dernière édition du Festival de Cannes, dans la catégorie Un certain regard, le film réalisé par Boris Lojkine a été honoré par le Prix du jury. De plus, Abou Sangare a été distingué avec le Prix d’interprétation masculine pour sa performance remarquable.
Dans un long-métrage captivant et intense, Boris Lojkine nous transporte à travers quarante-huit heures de la vie d’un migrant guinéen sans papiers. En nous plongeant au cœur d’une réalité souvent méconnue, ce film, L’Histoire de Souleymane, sortira dans les cinémas le mercredi 9 octobre 2024.
Sur son vélo, il sillonne sans arrêt à travers le Paris frénétique. Souleymane est l’un de ces nombreux coursiers que l’on peut apercevoir dans les grandes métropoles françaises, reconnaissable au sac isotherme flamboyant qu’il transporte. Parmi eux, certains vivent dans l’illégalité. Pour ces migrants, Paris est une ville énigmatique dont ils ignorent les coutumes. Chutes, agressions, feux rouges brûlés : Souleymane n’a pas une seconde à perdre. Filant à toute allure, il heurte un véhicule, mais se relève avec dignité et politesse, évitant tout conflit, sa vie étant perpétuellement en équilibre précaire.
Abou Sangare, une interprétation poignante
L’épopée de Souleymane est celle qu’il concocte mentalement sur son vélo, celle qu’il devra narrer à un représentant de l’Ofpra, l’Office français pour les réfugiés et apatrides, afin de justifier sa demande d’asile. Cette histoire représente pour lui le seul espoir d’échapper au désordre, lui qui a bravé le Sahara, les prisons de Libye et traversé la mer Méditerranée.
La force du film de Boris Lojkine repose en grande partie sur la performance impressionnante d’Abou Sangare. À 23 ans, ce dernier endosse avec intensité et vérité le rôle de Souleymane. Sa prestation a été saluée au récent Festival de Cannes, où le jury dirigé par Xavier Dolan lui a décerné le Prix d’interprétation masculine, bien qu’il soit un acteur amateur. Abou Sangare, sans papiers dans la réalité, travaille comme mécanicien. Le réalisateur et Aline Dalbis, chargée du casting, l’ont découvert via une association à Amiens.
Dès le début de L’Histoire de Souleymane, le spectateur est happé, plongé dans une atmosphère de tension continue. Chaque instant recèle la possibilité d’un basculement. Un excès de zèle de la part d’un policier, un loueur de compte Uber déloyal, une cliente mécontente ou encore un bus qui ne s’arrête pas ; autant de périls à éviter. Seules les soirées au centre d’hébergement temporaire de Clignancourt apportent un semblant de repos avec un repas chaud, une douche réconfortante et quelques moments de fraternité.
Paris, ici présenté dans des teintes volontairement accentuées, s’est avéré être un décor complexe à maîtriser. « Il a été bien plus ardu de filmer à Paris qu’à Bangui à la veille d’un conflit civil« , confie Boris Lojkine en évoquant son film précédent Camille, tourné en Centrafrique. Le réalisateur a opté pour une approche minimaliste et réaliste. L’équipe de tournage se limitait à cinq ou six personnes. Aucun éclairage spécial, pas de logistique lourde ni de cantine. Les scènes à vélo sont captées au milieu de l’effervescence urbaine de la capitale.
Un film d’une grande nécessité
Dans un style narratif proche du suspense, Boris Lojkine peint le quotidien des réfugiés sans-papiers, l’interdiction de travailler qui accentue encore leur précarité, et le labyrinthe qu’est Paris pour ceux sans droits. Il met aussi en avant le courage et la résilience nécessaires pour s’en sortir. On retrouve un écho des films de Ken Loach dans cette œuvre sociale qui braque la lumière sur ces citoyens invisibles et vulnérables.
Lors de la présentation à Cannes, Boris Lojkine a déclaré : « Le film est exactement tel que je l’avais imaginé. « Nous n’avions pas beaucoup de moyens, mais c’est aussi une forme de sobriété. Si vous ne l’appréciez pas, c’est ma responsabilité« , ajouta-t-il. L’Histoire de Souleymane, également honoré par le Prix du jury Un certain regard à Cannes, est un film d’une grande pertinence. Il donne un visage et une voix à toutes ces figures anonymes croisées dans nos rues.

Détails du film
Genre : Drame
Réalisateur : Boris Lojkine
Acteurs : Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow
Pays : France
Durée : 1h33
Sortie : 9 octobre 2024
Distributeur : Pyramide Distribution