Bien que souvent lié aux triomphes du groupe du Splendid, Michel Blanc s’est rapidement détaché de cette équipe, souhaitant éviter de rester cantonné dans son rôle de séducteur malchanceux.
« On aime vos films »
En plein cœur de la Place Vendôme, alors que Michel Blanc, incarnant lui-même, mène un braquage dans le film Grosse Fatigue, un bijoutier tente de l’attendrir en affirmant son admiration. « Surtout pour Le père Noël est une ordure! », s’exclame une otage allongée au sol. « Mais je n’ai pas joué dans Le père Noël, » rétorque Michel Blanc, brandissant un fusil. Cette confusion récurrente avec l’un des films phares du Splendid où il ne prête que sa voix au personnage d’un désespéré qui insulte Thérèse (rôle tenu par Anémone) lors d’un appel à SOS Détresse amitié, continue de le suivre même à l’approche de ses funérailles le 10 octobre.
Un début ensoleillé
À l’époque de l’écriture de cette pièce, Michel Blanc et ses amis du café-théâtre venaient tout juste de finir Les bronzés font du ski (1979). C’est là que les premiers signe de divergence commencent à émerger entre lui, souvent perçu comme le clown sérieux du groupe, et ses camarades. « Imaginer une suite aux Bronzés me semblait déplacé, » avait-il confié dans une interview pour Studio Ciné Live, rapportée par CNC. Sur le tournage, Blanc manifeste un détachement apparent concernant les indications, ne suivant les directives que de Patrice Leconte, le réalisateur, au grand dam de ses compagnons Clavier, Lhermitte, Chazel et les autres qui avaient peaufiné chaque mot des dialogues. « N’étant pas impliqué dans l’écriture, je pensais n’avoir à discuter de mon interprétation qu’avec le metteur en scène, pas avec les autres, » se souvient-il dans une biographie écrite par Alexandre Raveleau intitulée Sur un malentendu. Ce choix personnel entraine une confrontation avec Thierry Lhermitte. Michel Blanc évoque une « ambiance déplaisante » sur le plateau, un « Popeye » distant, mais sans véritable animosité.
« Je ne suis pas fait pour le collectif »
Le désir de participer à la création de ce qui s’appelait encore Le père Noël s’est tiré une balle dans le pied n’est pas vraiment présent. « On travaillait nos lignes ensemble, dans un esprit collectif, » partage-t-il avec Nikos Aliagas lors de « 50′ Inside » sur TF1. « Mais je ne suis pas fait pour la collaboration collective. Je crois que les dialogues sont meilleurs quand écrits par une seule personne, car cela permet une unique harmonie. » Contrairement à la méthode du Splendid, où l’écriture se fait ensemble, avec une règle non officielle imposant de ne pas avantager son propre personnage. « Après une semaine, j’ai déclaré forfait, » se remémore Michel Blanc dans le documentaire Des bronzés au père Noël, la folle histoire du Splendid. « Non pas que je n’aimais pas ça, mais j’aspirais à être indépendant. »
Ayant incarné le légendaire Jean-Claude Dusse, Michel Blanc ressent déjà la pression d’être cantonné à ces rôles similaires. « Dans les années 80, on ne me proposait que des rôles de pseudo-Dusse », affirme-t-il dans sa dernière interview à Paris-Match. « Les gens m’interpellaient dans la rue, m’appelant ‘mon pote’ ou ‘t’as une ouverture’, s’adressant ainsi à Jean-Claude Dusse… C’était inadapté pour la carrière que je souhaitais. Je n’inspirais plus l’imagination des auteurs. » Un dilemme pour celui qui fit ses débuts avec Polanski ou Tavernier, et qui admirait des chefs-d’œuvre comme To Be or Not to Be de Lubitsch. « Je sentais un décalage croissant avec mes amis du Splendid, » exprime-t-il au Monde en 2018. « Je m’interrogeais sans cesse : Est-ce que j’existe ou suis-je une simple fraction du Splendid ? »
Le souvenir douloureux du « père Noël »
Ses participations à l’épopée du « père Noël » se résument à des engagements occasionnels. Sur scène, il a temporairement remplacé Gérard Jugnot dans le rôle de Félix durant deux semaines, avec difficulté. « Je faisais moins rire le public que Gérard, » avait-il confié à Première en 2019. Dans Télérama deux décennies auparavant, il jugeait même « refroidir » les spectateurs contrastant avec l’humour de Jugnot. Son rôle prédestiné dans le scénario initial était celui d’un prêtre réceptionnant la confession de Jugnot et Chazel, avant de les trahir à la police. Le film devait initialement conclure avec le duo sur le banc des accusés au lieu de la fameuse scène au zoo de Vincennes, selon Première.
Mais Michel Blanc n’a aucun regret. Sa carrière a pris une autre direction avec Tenue de soirée, réalisée par Bertrand Blier en 1986. Il a finalement atteint les sommets avec un César en 2012, pour son rôle de chef de cabinet dans L’Exercice de l’État. « Je n’étais pas sûr que le public me suivrait dans ce style de rôle. Merci de m’offrir la chance de continuer ce chemin exigeant, » déclarait-il, ému, lors de la remise de la statuette.