Nous accueillons ce soir François Ecalle, ex-haut responsable à la Cour des comptes et créateur de Fipeco, une plateforme dédiée aux finances publiques, pour discuter du budget 2025 que Michel Barnier présentera prochainement.
François Ecalle, qui a occupé des postes de haut niveau au sein du ministère des Finances et de la Cour des comptes, est reconnu comme un expert en matière de finances publiques. L’annonce officielle concernant la répartition budgétaire entre l’État et la Sécurité sociale sera faite ce jeudi 10 octobre. Cependant, l’orientation générale est déjà établie.
Un avertissement clair du Premier ministre
Michel Barnier, le chef du gouvernement, a commencé à préparer l’opinion publique. Un effort collectif considérable sera nécessaire, avec une économie cible de 60 milliards d’euros prévue pour 2025.
42mag.fr : Le danger du creusement du déficit selon le Premier ministre. Y a-t-il raison de s’alarmer ?
François Ecalle : Effectivement, la situation est préoccupante puisque le déficit a déjà atteint des niveaux très élevés en 2023. Sans intervention, il pourrait continuer à croître en 2024 et 2025, entraînant une augmentation de la dette publique.
« L’enjeu principal est de ne pas susciter l’inquiétude des créanciers de l’État qui, doutant du remboursement, pourraient exiger des taux d’intérêt de plus en plus élevés, risquant ainsi de provoquer une crise majeure. »
François Ecalle, ancien haut fonctionnaire de la Cour des comptesà 42mag.fr
Dans de telles circonstances, nous devrions nous reposer sur l’aide de la Banque centrale européenne (BCE). Néanmoins, cette intervention n’est pas sans conditions préalables. Par le passé, la BCE est déjà intervenue mais en imposant des conditions strictes à des nations telles que la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Par conséquent, pour maintenir notre autonomie budgétaire et éviter une dépendance des décisions venant de Francfort, il est impératif de réduire notre déficit public dès à présent.
Participation des grandes entreprises à l’effort collectif
Il y a une proposition d’augmenter les charges fiscales pour les grandes entreprises avec un chiffre d’affaires dépassant un milliard d’euros, ce qui devrait générer environ 8 milliards d’euros. Cette mesure inclurait aussi une majoration des charges pour les armateurs. Est-ce judicieux de solliciter les grandes entreprises pour cet effort ?
Je reste sceptique quant à cette approche. Le gouvernement justifie ces augmentations de l’impôt sur les sociétés comme étant temporaires, pour une durée d’un ou deux ans. Toutefois, le problème budgétaire nécessite une solution durable. Autrement dit, si ces mesures ne sont pas prolongées, il faudra en trouver d’autres. L’expérience montre que des taxes dites temporaires en France ont souvent perduré.
Impact sur l’emploi et la compétitivité des entreprises
Bien que les exonérations de cotisations au niveau du salaire minimum pourraient être diminuées, entraînant des conséquences sur l’emploi selon certaines organisations comme le Medef, François Ecalle tempère ces inquiétudes.
« Peu importe la forme que prennent les mesures de réduction du déficit public — qu’il s’agisse de montées d’impôts ou de baisses des dépenses — elles ont toutes des effets temporaires néfastes sur l’activité économique et l’emploi. »
François Ecalle, ancien haut fonctionnaire de la Cour des comptesà 42mag.fr
À plus long terme, ces impacts négatifs devraient s’atténuer, mais à court terme, les répercussions sont inévitables. Des révisions à la hausse des cotisations employeurs pourraient effectivement avoir des effets adverses sur l’embauche, bien que certaines cotisations ne soient pas cruciales à certains niveaux de rémunération.
Perturbation de la croissance économique
François Ecalle exprime son désaccord avec l’idée que la croissance pourrait être entravée, précisant que le réajustement budgétaire total prévu ne sera probablement pas de 60 milliards. Il estime plutôt une vraie révision à environ 45 milliards, subdivisés entre 25 milliards par les impôts et 20 milliards dans la réduction des dépenses.
Impact sur les ménages et les hauts revenus
Aucune hausse d’impôts majeure n’est prévue pour les ménages. Cependant, un taux minimal de 20 % d’impôt sur le revenu est envisagé pour ceux gagnant plus de 250 000 euros par an. Cette action pourrait générer autour de 2 à 3 milliards d’euros et envoie un message fort, surtout comparé à l’idée d’augmenter la fiscalité des sociétés.
Contribution des retraités et ajustements des pensions
Les retraites, composant 25 % des dépenses publiques, ne pourront pas être exemptées des efforts de redressement budgétaire. Les ajustements prévus incluront une augmentation des pensions alignée sur l’inflation en juillet, économisant environ 3,6 milliards d’euros.
« Globalement, nous aurons besoin d’efforts allant entre 100 à 120 milliards d’euros pour redresser la situation. Il sera impossible de réussir sans inclure les retraités dans cet effort collectif. »
François Ecalle, ancien membre du Haut Conseil des finances publiquesà 42mag.fr
Il est essentiel que ces efforts se prolongent au-delà de 2025, nécessitant potentiellement une contribution plus importante à terme.
Prudence dans les coupes budgétaires
Quant à la répartition du taquet sur les économies à faire, il faut évaluer les dépenses dans des secteurs tels que les transports sanitaires et la réduction des effectifs dans la fonction publique. Selon François Ecalle, l’inefficacité existe également dans les secteurs de la santé et de l’éducation, où des économies peuvent être réalisées sans compromis sur les services.