Des responsables de la sécurité de la présidence publiaient leurs itinéraires sur une application dédiée au partage d’informations sportives. Grâce à ces données, il a été possible, à plusieurs reprises, de déterminer à l’avance les hôtels sélectionnés par l’Élysée pour héberger Emmanuel Macron lors de ses déplacements.
Une faille de sécurité au sein de la présidence française?
Le journal Le Monde a soulevé une préoccupation dimanche 27 octobre concernant d’éventuels risques pour la sûreté du président de la République. En étudiant des données disponibles sur Strava, une application utilisée globalement par des sportifs pour partager leurs performances, le quotidien a remarqué que plusieurs membres du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) partageaient leurs parcours de footing. En enregistrant leur tracé GPS via des montres connectées ou smartphones, ces agents laissaient parfois transparaître des indices sur l’emplacement futur du président lors de ses voyages, une information confidentielle.
En explorant les profils en ligne de douze agents du GSPR, Le Monde a constaté que depuis 2016 jusqu’à 2024, les parcours de jogging liés à plus d’une centaine de déplacements des présidents François Hollande et Emmanuel Macron ont été partagés. Ces informations devenaient critiques lorsque ces agents se rendaient en éclaireurs dans les lieux de séjour du président pour s’assurer de la sécurité des lieux. Ils débutaient parfois leur course à partir de ces emplacements, publiant inconsciemment des données pouvant révéler la destination du président.
Identification précoce d’une dizaine de lieux d’hébergement
Grâce à Strava, il était possible, par exemple, de déduire qu’Emmanuel Macron visiterait Lund en Suède en janvier 2024, trois jours avant son arrivée prévue. De même, en septembre 2020, le parcours de footing d’un membre du GSPR à Vilnius indiquait l’hôtel choisi par l’Élysée trois jours avant l’arrivée présidentielle, là où il devait rencontrer la cheffe de l’opposition bélarusse Svetlana Tikhanovskaïa. Un événement similaire est survenu deux jours avant les funérailles de la reine Elizabeth II en septembre 2022, où la localisation de l’Hôtel Savoy à Londres a été devinée.
Selon Le Monde, au moins dix hôtels ont pu être identifiés avant l’arrivée du chef de l’État grâce aux informations partagées par le GSPR sur Strava. Ces données, en apparence anodines, deviennent précieuses et délicates lorsque manipulées par des entités malveillantes capables de retracer ce sillage numérique laissé par inadvertance.
Avant de publier son article, le journal a pris soin d’anonymiser les données sensibles et a alerté l’Élysée dix jours avant sortie. Dans un communiqué, la présidence a assuré au Monde que même si le lieu de résidence du président venait à être découvert, la sécurité de sa demeure restait sans faille, rendant le risque inexistant. Contactée par 42mag.fr, l’Élysée a réitéré que la divulgation de ces données n’a eu « aucune répercussion sur la sécurité du président ».
Exposition non maîtrisée de données personnelles
Par ailleurs, Le Monde a soulevé des interrogations sur l’étendue des informations personnelles que les agents du GSPR pourraient divulguer sur Strava, exposant potentiellement leur vie privée à des pressions. Des éléments tels que des photos, noms, ou adresses ont pu être partagés, faisant également mention de profils d’employés de l’Élysée sur l’application. Certains ont participé à des joggings avec les gardes du corps autour du fort de Brégançon, la résidence d’été du président.
Ce n’est pas la première fois qu’une enquête médiatique mette en avant de telles failles sur Strava. En 2018, France 2 avait montré comment l’application permettait de localiser des militaires français déployés au Mali ou au Niger. L’état-major avait à l’époque insisté sur l’importance de désactiver les fonctions de géolocalisation, mais manifestement, le message n’avait pas porté. Deux ans plus tard, Mediapart avait déniché plus de 800 profils de soldats en opération extérieure ainsi que ceux de plus de 200 membres des forces spéciales, révélant malgré eux de nombreux détails.