L’exposition « Tomorrow is Canceled – Art and Views on Moderation » rassemble 23 artistes contemporains qui confrontent la relation de l’humanité à l’environnement à travers différents médiums. L’installation vidéo de Rita Alaoui explore son héritage familial marocain et rend hommage à l’art d’utiliser les plantes médicinales.
Née en 1972 à Rabat, au Maroc, l’artiste multimédia Rita Alaoui a toujours été attirée par la nature, où elle trouve une inspiration infinie pour ses peintures, sculptures, collages et œuvres vidéo.
Sollicitée par la Fondation Groupe EDF à Paris pour participer à une exposition collective sur le thème de la sobriété – ou de la modération –, elle choisit de revenir sur un projet sur lequel elle travaillait déjà depuis un moment, le « Jardin des Cataplasmes Lawson ».
Elle avait commencé à collecter des informations sur son héritage familial, notamment sur l’utilisation de Lawsonia inermis une plante médicinale, également connue sous le nom de henné, utilisée par son arrière-grand-mère marocaine.
« Tout a commencé par une petite anecdote qui date de mon enfance », raconte Alaoui à 42mag.fr.

« Mon arrière-grand-mère préparait une pâte à base de henné et l’appliquait sur mes bras que je grattais sans cesse parce que j’avais de l’eczéma. »
Habituellement associé à une forme de tatouage temporaire appliqué par les femmes pour les mariages ou autres célébrations dans les cultures nord-africaines, Alaoui voulait rappeler aux gens les anciennes propriétés curatives de la plante.
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« J’ai beaucoup écrit, j’ai fait beaucoup de recherches sur l’herboristerie et les pratiques thérapeutiques. Ce fut une révélation quand il s’agissait du cataplasme. Je suis une artiste, une plasticienne. Je manipule tout le temps la matière. Je me suis dit : c’est génial, ça va être un outil pour moi, à la fois pour me guérir mais aussi pour laisser une trace de cette histoire. »
Elle a trouvé que la meilleure façon de rendre hommage à « cette femme qui m’a donné beaucoup d’amour » était de réaliser une vidéo, pour reconstituer les rituels de guérison liés à son enfance.

Retour aux sources
La notion de « retour aux sources » devient un moteur du projet et le relie plus étroitement aux thématiques de l’exposition.
Comment la société peut-elle revenir à un endroit plus sain et plus stimulant ? Comment la société peut-elle ralentir, se connecter à la nature et prendre le temps de prendre soin les uns des autres ?
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« C’est vraiment un projet qui lie à la fois le patrimoine, la transmission et le soin que l’on doit apporter à la terre, car sans la terre on ne peut rien faire », affirme Alaoui.
« Je ne dis évidemment pas qu’on peut tout guérir avec les plantes, il ne faut pas être naïf. Mais je pense que beaucoup de nos maux modernes pourraient être apaisés grâce aux plantes », explique-t-elle.
Pour admirer le travail d’Alaoui, les visiteurs sont invités à pénétrer dans une alcôve cosy et sombre, décorée d’une exposition de feuilles de henné séchées – qu’ils peuvent toucher ou sentir s’ils le souhaitent. Aux murs, plusieurs écrans relaient les images de l’artiste, mêlées à des photographies d’archives.
Restez positif
Une voix de narrateur s’élève des enceintes autour de l’alcôve, partageant des anecdotes liées à l’histoire familiale de l’artiste.
Légèrement hypnotique, la lente performance artistique d’Alaoui offre un contrepoids à la vitesse de la société actuelle et à son obsession malsaine pour le consumérisme.
Bien qu’elle soit préoccupée par l’avenir et par la direction que prend l’humanité, elle refuse de devenir la proie de pensées sombres.
« Il y a cette petite voix en moi qui dit qu’il faut rester positif. Je ne veux pas tomber dans quelque chose de catastrophique. Je veux me faire du bien, je veux faire du bien aux autres. J’aimerais que les gens qui voient ça projet d’avoir un petit moment où ils se sentent enveloppés, protégés. »
Rita Alaoui fait partie des 23 artistes de l’exposition « Demain est annulé – Art et regards sur la modération » à la Fondation Groupe EDF à Paris jusqu’au 29 septembre 2024.