Le chancelier Olaf Scholz a pris la décision de remplacer son ministre des Finances, accentuant les tensions au sein de la coalition gouvernementale déjà affaiblie. Kai Littmann, qui dirige le site eurojournalist.eu, nous offre un éclairage sur les développements actuels en Allemagne.
Des élections fédérales anticipées sont prévues pour le 23 février 2025 en Allemagne, suite à l’effondrement, la semaine dernière, de la coalition dirigée par le Parti social-démocrate (SPD). Le chancelier Olaf Scholz, qui aspire à être réélu, a renvoyé le ministre des Finances, Christian Lindner, qui est également le président du parti libéral. Kai Littmann, directeur du site eurojournalist.eu, nous éclaire sur la situation.
42mag.fr : En Allemagne, le chancelier peut-il, à l’instar du président français, décréter une dissolution et organiser des élections anticipées ?
Kai Littmann : Pas du tout, le processus est différent en Allemagne par rapport à la France. Le chancelier a la possibilité de solliciter un vote de confiance au sein du Bundestag, le parlement allemand. En cas d’échec, il peut demander au président fédéral de dissoudre le Bundestag.
Ce mécanisme prend plusieurs semaines, et il est donc exclu par la Constitution allemande qu’une telle décision soit prise sur un coup de tête. En réalité, la coalition actuelle est déjà éclatée.
Le FDP, représentant les libéraux, s’est retiré de cette coalition qui ne compte plus que 324 sièges au Parlement, ce qui ne constitue pas une majorité. L’Allemagne se trouve donc actuellement dans une impasse politique.
Fin des coalitions en Allemagne ?
Depuis la création de la République fédérale après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne se gouverne par le biais de coalitions. Assistons-nous à la fin de ce modèle de gouvernance ?
Je ne le crois pas. Faire fonctionner des coalitions est ancré dans la culture politique allemande, car cela reflète au mieux les choix de l’électorat. Cependant, la montée en puissance de l’extrême droite complique les choses.
Avec l’ascension de l’extrême gauche également, les partis traditionnels souffrent d’une perte de vitesse. Former des coalitions devient de plus en plus difficile, évoquant une situation similaire à celle de la république de Weimar, où les majorités étaient presque impossibles à consolider.
Difficulté à constituer des gouvernements régionaux
Lors des dernières élections dans les Länder de l’ex-Allemagne de l’Est, l’extrême droite a remporté la majorité. Est-il aussi difficile de former un gouvernement régional ?
En effet. Ces élections ont eu lieu en septembre dans trois Länder de l’est, et à la mi-novembre, aucun n’a encore de nouveau gouvernement.
Les négociations sont en cours pour former des coalitions, mais rien n’a abouti pour le moment, et on commence à envisager des gouvernements minoritaires, chose inconnue en Allemagne jusqu’ici, illustrant le malaise politique actuel pour former des coalitions solides.
La montée des extrêmes en Allemagne
Les partis traditionnels, l’AFD à l’extrême droite, et l’extrême gauche, qui n’est plus Die Linke mais BSW — le nouveau « Bundes Sahra Wagenknecht » —, déstabilisent-ils la politique allemande ?
Tout à fait, l’AFD gagne en popularité. Il y a une inquiétude quant aux résultats potentiels des élections anticipées. Aux récentes élections régionales, l’AFD était partout en tête.
L’extrême gauche du BSW a aussi réalisé de bons scores. En revanche, les partis traditionnels comme le FDP s’effacent de la scène politique, tandis que les Verts et le SPD perdent du terrain, laissant la CDU comme le seul parti traditionnel à garder une certaine stabilité dans les sondages.
Quel avenir pour les coalitions en Allemagne ?
Quel avenir pour les coalitions au sein du paysage politique allemand ?
La tradition des coalitions perdurera, cela fait partie intégrante de la culture politique allemande. Cependant, créer des coalitions stables s’annonce de plus en plus ardu. On constate que le rempart contre l’extrême droite se fragilise. Les partis traditionnels commencent aussi à envisager des discussions avec l’extrême droite, tant il paraît difficile actuellement de former une coalition stable sans eux.