À la suite du vote de la motion de censure contre le gouvernement dirigé par Michel Barnier mercredi soir, les projets de loi budgétaire semblent désormais pratiquement abandonnés. Cette situation profitera à certaines personnes tandis que d’autres en pâtiront.
La situation politique en France est actuellement en pleine turbulence. Le cabinet dirigé par Michel Barnier a été renversé par un vote de défiance à l’Assemblée nationale, ce mercredi 4 décembre. Cette censure a laissé l’avenir des projets de loi budgétaires dans un flou total. Par conséquent, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a automatiquement été rejeté. Le budget pour l’année 2025, qui était encore en délibération au Sénat après son rejet par l’Assemblée, a désormais très peu de chances d’être adopté avant la fin de l’année. Il est probable que des lois spécifiques doivent être adoptées en urgence pour faire perdurer les mesures prévues dans le budget 2024. La mise en échec de ces textes budgétaires a des conséquences immédiates, rendant plusieurs propositions pour 2025 inapplicables. Franceinfo en présente les détails.
Diminution des augmentations des pensions de retraite
L’un des points les plus discutés du débat budgétaire a été celui des retraites. Initialement, le gouvernement avait envisagé de repousser de six mois l’augmentation des pensions, mais avait fait volte-face face à la pression exercée par la droite en novembre. Finalement, le projet de loi sur la Sécurité sociale prévoyait une augmentation des pensions de retraite équivalente à la moitié du taux d’inflation à compter du 1er janvier 2025, avec un ajustement supplémentaire au 1er juillet pour ceux recevant des pensions inférieures au smic (1426 euros net par mois). Malgré cette initiative, les retraités percevant plus que le smic auraient vu leur pouvoir d’achat diminuer, car leur revalorisation n’aurait pas suivi l’inflation.
Dans l’absence d’un nouveau budget pour la Sécurité sociale, les retraités bénéficieront d’une revalorisation de leur pension qui sera alignée sur l’inflation au 1er janvier, comme le stipule le code de la Sécurité sociale. Cette majoration touchera plus de 14 millions de retraités relevant des régimes de base obligatoires, selon des chiffres publiés par le site service-public.fr en janvier dernier, lors de la précédente révision des pensions. La ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a confirmé sur 42mag.fr que, sans nouveau texte budgétaire, « les retraités seraient effectivement mieux lotis ».
Modification de l’échelle de l’impôt sur le revenu
Le projet de loi de finances pour l’année 2025 prévoyait de réviser l’échelle de l’impôt sur le revenu avec une augmentation de 2 %, reflétant l’inflation et l’évolution des revenus des ménages. Avec le renversement du gouvernement, il est envisagé qu’un projet de loi de finances exceptionnel soit proposé pour répondre à l’urgence. Cette mesure n’intégrerait que les dispositions du budget 2024, laissant inchangées les six tranches actuelles de l’impôt sur le revenu, malgré une inflation anticipée par l’Insee à 2% pour 2024.
Michel Barnier a signalé que ces circonstances entraîneraient une hausse d’impôt touchant environ « près de 18 millions de Français ». De plus, le gouvernement s’attend à ce que 380 000 personnes jusqu’alors non imposables soient affectées par cette mesure, selon une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiée au début d’octobre. « Si l’inflation n’est pas prise en compte, de nombreuses personnes qui n’étaient pas assujetties à l’impôt risquent de le devenir, et ceux qui l’étaient déjà verront leur impôt augmenter », explique Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. Toutefois, cette augmentation automatique des impôts n’est pas inéluctable. Le barème de l’impôt sur le revenu pourrait être ajusté rétroactivement si un nouveau budget est adopté durant l’année 2025. « L’idéal serait de le faire avant le printemps prochain et avant la période de déclaration des revenus [pour 2024] », précise Victor Fouquet, docteur en droit et expert en finances publiques.
Prolongement du délai de carence pour les fonctionnaires
Fin octobre, le gouvernement avait proposé un plan pour réduire l' »absentéisme » au sein de la fonction publique. Parmi les propositions, il était prévu d’étendre la période de carence des arrêts maladie de un à trois jours, supprimant ainsi les paiements pour les deuxième et troisième jours. Le projet prévoyait également de réduire à 90 % le salaire des fonctionnaires en arrêt maladie, contre 100 % actuellement, dans le cadre de la partie « recettes » du projet de loi de finances. Cette mesure devait permettre de réaliser plus d’un milliard d’euros d’économies. Les syndicats de la fonction publique, qui avaient appelé à la grève ce jeudi pour contester le budget 2025, ont maintenu leur mobilisation malgré le vote de censure.
Participation exceptionnelle des revenus les plus élevés
Le budget 2025 incluait une contribution temporaire et exceptionnelle visant les foyers aux revenus les plus élevés. Le ministère du Budget avait estimé que cela affecterait 24 300 foyers fiscaux. Cette contribution devait s’appliquer jusqu’en 2027, ciblant les revenus de l’année 2026, et visait à garantir un taux d’imposition minimum moyen de 20 % pour ces ménages, en plus de lutter contre l’évasion fiscale. Elle concernait les personnes déjà redevables de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), notamment les individus ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple.
Taxation accrue des grandes entreprises
La taxe accrue sur les profits des grandes entreprises était l’une des mesures phares envisagées par le gouvernement pour renflouer les finances de l’État. Modifiée par un amendement de la gauche avant que le projet de loi de finances ne soit rejeté à l’Assemblée nationale, cette taxe avait récemment été approuvée par le Sénat. Elle ciblait 450 entreprises générant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires en France, entraînant une augmentation de l’impôt sur les sociétés pour ces entreprises.
Le ministre du Budget sortant, Laurent Saint-Martin, avait qualifié cette taxe de « mal nécessaire ». Elle devait rapporter 8 milliards d’euros en 2025, puis 4 milliards en 2026. Sans budget officiel, la taxe exceptionnelle sur les grandes entreprises de transport maritime, envisagée uniquement pour l’armateur français CMA CGM, est également mise en suspens pour l’instant.
Mesures touchant le secteur agricole
Plusieurs initiatives destinées au secteur agricole figuraient dans les projets de loi de finances pour 2025 et de financement pour la Sécurité sociale, telles que des réductions de charges pour les travailleurs saisonniers et des aides pour l’installation de nouveaux agriculteurs. Une réforme des retraites agricoles était aussi prévue, devant se baser sur les 25 meilleures années de revenus. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, avait exprimé sur France Bleu que le vote de la motion de censure serait une « très mauvaise nouvelle » pour le secteur agricole.