Le président de la République a décidé de ne pas inviter le parti de Marine Le Pen à la rencontre des formations politiques organisée mardi à l’Elysée, afin de chercher une solution à la situation tendue après le rejet par censure.
Le prochain pouvoir exécutif saura-t-il ignorer les défis de censure posés par le Rassemblement national ? Emmanuel Macron semble s’atteler à cette tâche alors qu’il envisage de nommer son futur chef du gouvernement. Une rencontre a eu lieu à l’Élysée le mardi 10 décembre avec les forces centrales, incluant Les Républicains, les socialistes, les écologistes et les communistes. L’objectif du président est de sceller un pacte de non-censure, évinçant ainsi Marine Le Pen et ses compères de leur position de juge à l’Assemblée nationale.
Les discussions auront duré plus de deux heures et, il est encore loin d’être acquis que le pari soit remporté, étant donné les dissensions et points de tension qui divisent les différentes formations. Seule l’exclusion du Rassemblement national, à l’exception de certains membres comme Eric Ciotti, fait l’unanimité.
« La priorité est le compromis »
En quittant le palais présidentiel ce mardi, Boris Vallaud, leader des députés socialistes, a affirmé : « L’acquis de cet après-midi, c’est que personne autour de la table ne veut être soumis au Rassemblement national ». Pour les écologistes, la présence du RN signifierait une « ligne rouge », selon Guillaume Gontard, président des sénateurs verts. L’absence de Marine Le Pen a permis de rassembler plus d’alliés politiques autour de la table, permettant au président de faire ses calculs : LFI, le RN, et l’Union des Droites comptent ensemble 211 voix, alors que la majorité requise est de 289. En obtenant la promesse de non-censure de certains membres du Nouveau Front populaire, le futur cabinet pourrait durer plus longtemps que le précédent.
L’entourage de Macron justifie « la priorité est le compromis », en ajoutant que « Ni le RN ni LFI ne cherchent cette voie. Nous avons pris en compte à la fois l’interview de Marine le Pen et la déclaration de Manuel Bompard ». Quant à Marine Le Pen, dans un entretien au Figaro, elle a déclaré : « Je ne suis pas offusquée de ne pas avoir été invitée. S’ils m’avaient conviée, cela m’aurait profondement inquiétée. »
Néanmoins, après que les autres partis ont été conviés, le Rassemblement national a adopté une position plus combative. Marine Le Pen a critiqué le « mépris » du chef de l’État à l’Assemblée : « Ce mépris est du miel pour moi, cela ne me touche pas ». Jordan Bardella a quant à lui affirmé sur TF1 : « C’est une preuve d’irrespect et d’absence de politesse du président envers 11 millions de votants ». Le parti d’Eric Ciotti a également critiqué « l’exclusion des deux principales forces d’opposition ».
« Un éclaircissement » après les discussions budgétaires
Alors que l’Élysée a choisi de garder le RN éloigné des débats, elle a tout de même proposé un dialogue bilatéral avec La France insoumise lundi, invitation néanmoins rejetée par le parti de Mélenchon. Pourquoi ce traitement différencié ? « Il était anticipé que LFI dirait non », avance Patrick Vignal, ancien député macroniste de l’Hérault, qui discute souvent avec le président. Concernant le RN, « après les négociations budgétaires, Marine Le Pen semblait être devenue vice-ministre, et cela a dû exaspérer Macron ».
Ludovic Mendes, député macroniste de la gauche, observe que le choix d’évincer le RN est « judicieux, car ils n’ont pas leur place dans une coalition large, étant nos adversaires de longue date ». Cela permet également « d’éclaircir les accusations de leur alliance supposée avec nous », ces critiques venant particulièrement de l’opposition de gauche. Une coalition large réduirait l’influence du groupe de Le Pen au parlement.
Cependant, les tensions persistent entre la gauche et la droite au sein de cet éventuel socle élargi. Les socialistes, écologistes et communistes demandent un Premier ministre de gauche, tandis que la droite oppose un refus catégorique. Les débats sur des questions comme l’immigration et les retraites accentuent également les divergences. À la sortie de cette réunion sans précédent, les avis divergent. Marine Tondelier des écologistes déclare : « Je n’ai pas vu de progrès du camp présidentiel », mais Olivier Faure du PS salue « une réunion constructive » sans toutefois être « décisive ».
Laurent Wauquiez a pour sa part fermé la porte à « un accord gouvernemental avec des gens aux visions incompatibles pour la France ». Ainsi, bien que l’opposition anti-RN soit forte, elle n’est pas suffisante pour les autres partis d’empêcher Marine Le Pen d’exercer son influence à l’Assemblée. Cela pourrait même nourrir sa rhétorique antisystème : « Nous sommes le véritable parti d’opposition », se félicite Julien Odoul, député RN, auprès de 42mag.fr. « Face à nous, un parti unique s’étend de la gauche aux LR, s’entendant pour marginaliser 11 millions de citoyens. »