Au cours des semaines récentes, les parlementaires ont reçu en audition les comédiennes Judith Godrèche, Sara Forestier, Anna Mouglalis et Nina Meurisse.
Judith Godrèche critique le « silence » des « figures influentes » dans l’industrie cinématographique. L’actrice, devenue une voix importante du mouvement #MeToo en France, a témoigné le mercredi 18 décembre devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les violences dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, des arts vivants, de la mode et de la publicité. Elle avait été l’une des instigatrices de la mise en place de cette commission plus tôt cette année. Les sessions de cette commission, entamées au printemps mais temporairement arrêtées suite à une dissolution, ont repris à l’automne. Plusieurs dizaines de professionnels du domaine, dont des actrices et des journalistes, ont été interrogés.
Sara Forestier accuse Nicolas Duvauchelle de l’avoir giflée
Sara Forestier, entendue par les députés le 7 novembre, a déclaré avoir été « giflée » par un acteur. L’actrice, qui a remporté deux fois le César, a nommé explicitement Nicolas Duvauchelle – qui nie ces allégations – l’accusant début décembre dans une interview accordée à Mediapart d’avoir agi ainsi en 2017 lors du tournage de Bonhomme de Marion Vernoux.
Devant la commission, la comédienne a raconté avoir été hospitalisée pendant le tournage en raison d’une hémorragie interne sévère liée à une grossesse extra-utérine. Le démarrage du tournage a été repoussé « de quelques jours », ce qui a « gêné » l’acteur, selon les mots de Sara Forestier. Au « troisième jour de tournage, pour une petite mésentente, » les acteurs se « comprennent mal » et Nicolas Duvauchelle aurait utilisé un ton agressif envers elle. Elle s’est alors rendue dans sa loge pour tenter de calmer la situation. « Il n’était pas intéressé par la discussion, » raconte-t-elle devant les députés, ajoutant que l’acteur aurait dit : « Partez ou je vais vous gifler. »
« Je lui ai répondu : ‘Non, tu ne me menaces pas et je n’ai pas peur.’ Il s’est énervé et m’a giflée, » a continué l’actrice. Elle a également indiqué que l’équipe de tournage avait tenté de « l’empêcher de se rendre au commissariat ». Sara Forestier a accusé la réalisatrice Marion Vernoux de l’avoir « menacée » et de lui avoir imposé un « sentiment de culpabilité ».
« On préfère ignorer le problème et laisser la victime en souffrir. »
Sara Forestierdevant la commission d’enquête parlementaire
Elle a expliqué avoir quitté le plateau et être restée en arrêt maladie : « Mon état s’est aggravé, et j’avais besoin de me reposer pour préserver mes chances de devenir mère. » Elle a dénoncé la « pression » de « la production » : « Je suis devenue celle qui compromettait le film et ses investissements financiers. » Très émue, elle a mentionné un article « mensonger » publié peu après dans la « presse people », qui l’accusait d’avoir giflé l’acteur.
« Comment oser parler après cela ? Comment dire que c’était moi qui ai été giflée ? Car oui, c’est moi qui ai reçu cette gifle. Ils ont réussi à me réduire au silence. »
Sara Forestierdevant la commission d’enquête parlementaire
Sara Forestier a finalement déposé plainte en 2023. Une enquête est en cours menée par le parquet de Paris. Sur la plateforme X, Nicolas Ducauchelle a nié ces faits, affirmant n’avoir « jamais giflé » Sara Forestier, la décrivant comme une « mythomane » et une « fausse victime ».
Nina Meurisse évoque un tournage traumatisant à 10 ans
Auditionnée par la commission d’enquête le lundi 16 décembre, l’actrice Nina Meurisse, récemment vue dans la série La Fièvre et le film Le Ravissement, est revenue sur sa première expérience cinématographique à 10 ans. Elle a relaté que la réalisatrice du projet n’avait pas souhaité qu’elle rencontre l’acteur avec qui elle devait tourner une scène de viol avant le tournage. « Je ne comprenais pas pourquoi, mais c’était soi-disant mieux pour la scène, » se remémore-t-elle. Devant les législateurs, elle a décrit cette scène qu’elle a dû refaire « à plusieurs reprises », avec un « jeune acteur » se ruant vers elle, lui agrippant la poitrine et tentant de soulever sa robe, bien qu’elle ne comprenne pas la signification de ces gestes à cet âge.
« Avec seulement dix ans, je n’avais même jamais embrassé un garçon, j’étais terrifiée. »
Nina Meurissedevant la commission d’enquête parlementaire
« Après la scène, une jeune assistante m’a emmenée voir des poussins dans une ferme à proximité pour me distraire, » se souvient Nina Meurisse. « Je n’oublierai jamais cette pensée : ‘Tu crois vraiment que des poussins me feront oublier cela ?' »
L’actrice a aussi parlé d’une scène de flagellation. En pleine « nuit noire », dans un étang, on lui a demandé de « se frapper le dos » avec un bâton. « Je le faisais doucement, mais cela ennuyait la réalisatrice, qui me criait de le faire plus fort, » se souvient-elle.
« Ma colère montait de plus en plus, et je frappais de plus en plus fort. »
Nina Meurissedevant la commission d’enquête parlementaire
« Après un temps infini, » l’équipe est intervenue et a menacé de stopper le tournage. « La scène a pris fin, mais la douleur est restée en moi, » témoigne Nina Meurisse. « Cela est resté en silence tout au long du projet, sans aucune excuse, considéré comme une scène ordinaire. »
Anna Mouglalis revient sur une rencontre avec Gérard Miller
Aussi entendue le même jour que Nina Meurisse, Anna Mouglalis a souligné que les abus sexuels et sexistes sont présents dès la phase de casting dans le cinéma. « En général, le rôle est accordé lorsque le réalisateur est conquis, » souligne-t-elle. « Cela peut être mal interprété car nous sommes là pour jouer, pas pour séduire. » Dans sa déposition, la comédienne de la série Baron Noir a relaté des castings où on lui demandait de porter des « tenues en latex » ou encore le cas d’un acteur de 50 ans qui « plongea sa tête » dans son bas-ventre tout en la retenant par les hanches.
Anna Mouglalis a aussi parlé de situations absurdes lors de promotions de films. Pour la sortie du film Merci pour le chocolat de Claude Chabrol en 2000, on lui a proposé de porter une « robe en chocolat dans un salon pour que les visiteurs puissent la peler jusqu’à la dénuder ». Elle raconte avoir refusé cette demande, mais insiste sur le fait que les jeunes actrices ne se sentent pas toujours capables de dire non.
« Pour une jeune actrice, il semble qu’on ne peut rien refuser. »
Anna Mouglalisdevant les députés en commission d’enquête
Anna Mouglalis a aussi abordé les accusations de violences sexuelles à l’encontre de Gérard Miller. Dans deux investigations publiées par Mediapart et le magazine Elle, de nombreuses femmes ont dénoncé le psychanalyste pour viols et agressions sexuelles, commises notamment sous hypnose. Plusieurs plaintes ont été déposées à l’encontre de Gérard Miller, qui nie ces accusations, et une enquête a été enclenchée par le parquet de Paris.