Le choix d’intégrer dans le gouvernement de François Bayrou, le lundi 23 décembre, des figures qui ont un passé au sein du parti socialiste ne parvient pas à satisfaire les votants de gauche résidant dans la ville de Seine-Saint-Denis.
« On reprend les mêmes et on recommence, et pratiquement les pires », lâche Ouardia, une électrice marxiste, devant l’hôtel de ville de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, le lundi 23 décembre, après la révélation de la composition du cabinet de François Bayrou. Dans son équipe ministérielle, le chef du gouvernement a intégré quelques figures de l’ancien Parti socialiste, telles que Manuel Valls, ancien chef du gouvernement sous François Hollande, désormais en charge des Outre-mer, et François Rebsamen, qui avait tenu le portefeuille du Travail en 2014 et 2015, maintenant nommé ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation. Pour Ouardia, Manuel Valls « n’avait jamais vraiment embrassé les valeurs socialistes et s’en éloigne encore davantage ». « Il s’est faufilé par la fenêtre », note une autre résidente de la ville.
Manuel Valls s’immisce de nouveau dans l’arène politique française après avoir échoué dans son ambition de devenir maire de Barcelone en 2019, et avoir été condamné pour le financement illégal de sa campagne. Il avait ensuite perdu l’élection dans la cinquième circonscription des Français à l’étranger, malgré le soutien de La République en marche lors des législatives de 2022. Frédéric, un autre électeur de gauche croisé à Montreuil, exprime son désarroi : « Ce n’est pas une bonne nouvelle, c’est une vraie blessure ». Il ajoute qu’ils auraient souhaité des figures authentiquement de gauche, mais Valls ne correspond pas à cette attente.
Absence de coupure radicale
Non loin de là, à la sortie d’une séance de cinéma, Samuel découvre sur son smartphone la nouvelle répartition des postes ministériels. « C’est le retour des zélateurs du passé, c’est de la sorcellerie dans la Ve République », s’emporte-t-il. « Tout va mal dans nos territoires d’Outre-mer, et ils nous ressortent Manuel Valls, c’est impensable », poursuit-il, tout en se demandant si l’ancien Premier ministre ne sera pas un simple « pasteur » pour un potentiel échec. Il s’interroge également sur la logique de « nommer une personne si détestée à une place où l’on attendait des réformes bienveillantes ».
« Aucun vrai progressiste ne peut rejoindre une telle équipe gouvernementale. »
Ève, électrice de gaucheà 42mag.fr
Ève, qui se tient à côté de Samuel, opine de la tête. Elle aurait espéré une « coupure nette » dans la politique actuelle, mais « sait pertinemment que Macron n’a aucune envie d’une telle orientation ». Selon elle, « les seules personnes qui accepteraient d’entrer dans un tel gouvernement ne mèneraient pas de réelle politique de changement ».
Politique discréditée
D’autres sympathisants de gauche craignent les répercussions d’une telle équipe ministérielle. « C’est idéal pour accentuer la montée du Rassemblement national », ironise Stéphane. « C’est un peu le bal des opportunistes, et c’est dommage, car cela décrédibilise totalement la vie politique », poursuit-il. Ce nouvel exécutif ne convainc guère ces intéressés et la majorité d’entre eux espèrent son remplacement, à l’instar du cabinet Barnier, désavoué le mercredi 4 décembre. Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, a déjà averti : « L’unique avenir de ce gouvernement est la défiance ».